© Bertrand Guay (AFP) | Les dégâts causés par la tempête Xynthia en Vendée, en 2010.
Texte par Ségolène Allemandou le 05/10/2015
Depuis que la justice néerlandaise a condamné les Pays-Bas à faire plus d’efforts pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, les actions se multiplient en France pour engager des démarches en justice contre l’État.
À moins de deux mois du Sommet sur le climat à Paris, la justice climatique prend corps dans plus en plus de pays. En juin, la justice néerlandaise a ainsi crée un précédent en condamnant l’État à réduire ses émissions de gaz à effet de serre afin de respecter « la norme de 25 à 40 % que les scientifiques et les politiques internationales estiment nécessaire pour les pays industrialisés ». Elle a ainsi donné raison à 886 citoyens qui avaient demandé aux juges de qualifier le réchauffement climatique de plus de 2 °C de « violation des droits humains ».
Plus étonnant encore, au Pakistan, pays particulièrement touché par le réchauffement de la planète, la Haute Cour de justice de Lahore a ordonné la création d’un « conseil climatique » pour contraindre l’État à respecter ses engagements. Cette décision faisait suite à la plainte d’un agriculteur contre le gouvernement, estimant que le manque d’action du ministre pakistanais du changement climatique violait « ses droits fondamentaux ».
Suite à ces verdicts historiques, peut-on envisager que l’État français soit poursuivi à son tour pour ses manquements en matière de respect de l’environnement ? « La France ne pourrait pas être attaquée en justice comme cela a été le cas aux Pays-Bas car Paris s’est engagé à respecter les normes du Giec, contrairement aux autortés néerlandaises qui ne le faisaient pas », explique la juriste Valérie Cabanes, coauteure du livre « Crime climatique, stop ! », avant d’ajouter : « La justice climatique n’est pas la même selon les États ».
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by admin with no comments yetPourquoi les énergies fossiles menacent la sûreté de la planète…
Pourquoi les énergies fossiles menacent la sûreté de la planète ? Que peut-on faire pour freiner l'écocide global en cours.Intervention de Valérie Cabanes – Porte Parole d'End Ecocide on Earth – au Positive Economy Forum 2015
Posted by Arrêtons l'Ecocide – End Ecocide on Earth on mercredi 7 octobre 2015
Des enfants américains attaquent en justice leur gouvernement pour ne pas prendre en compte les droits des générations futures. Des insulaires du Pacifique, menacés par la montée des océans, tentent de traîner les gros pollueurs devant les tribunaux. Aux Pays-Bas, des magistrats viennent même de condamner l’Etat néerlandais pour manquement à son devoir de vigilance en matière d’émissions de CO2. Les actions en justice contre l’indifférence des Etats et des gros pollueurs se multiplient. La notion de crime climatique pourrait être reconnue par la Cour pénale internationale. C’est en tout cas ce que défend la juriste Valérie Cabanes, qui est reçue ce 25 septembre par François Hollande.
C’est une lacune du droit international. Comment garantissons-nous aux générations futures le droit de vivre dignement dans un environnement sain ? Des déclarations – celles de Stockholm, de Rio et de Vienne – appellent à reconnaître notre droit à un environnement sain et notre devoir de le léguer aux générations suivantes. Mais aucune sanction n’est prévue pour ceux qui menacent ce droit, il n’a même pas été élevé au rang de droit fondamental de l’homme. Et pourtant il en va de la pérennité des conditions de la vie sur terre.
Le réchauffement climatique mais aussi toutes les autres limites planétaires que nous avons franchies ou que nous sommes sur le point de franchir – érosion de la biodiversité, déforestation massive, pollution des eaux et des sols, acidification des océans – sont des conséquences directes de nos modes de consommation et de production depuis l’avènement de l’ère industrielle. En 150 ans, en misant sur son développement et son confort via les énergies fossiles et l’exploitation effrénée des ressources terrestres, l’homme a bouleversé l’écosystème terrestre. Et nos choix menacent aujourd’hui la Paix et la sécurité humaine.
Si l’on veut limiter le réchauffement climatique, il faudra bien remettre en question notre modèle économique car celui-ci s’est construit sur l’usage des combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon). A-t-on vraiment amorcé la transition énergétique qui s’impose ? On peut en douter. En 2012, 775 milliards de dollars ont été attribués à l’exploration, la production et l’utilisation des combustibles fossiles contre 101 milliards pour les énergies renouvelables. Les technologies de demain existent, elles ne sont juste pas promues. Face à cette inaction, des citoyens, du Pacifique à l’Arctique, engagent des procédures judiciaires.
Pour protéger leur avenir, des jeunes américains se sont regroupés en 2011 et ont intenté ce qu’on appelle aux États-Unis une « class action » contre six agences fédérales américaines. Kids vs. Global Warming (« Enfants contre le réchauffement climatique ») représentée par son fondateur Alec Loorz, activiste depuis l’âge de 12 ans, et WildEarth Guardians (« Guardiens de la Terre sauvage ») représentée par son fondateur Xiuhtezcatl Martinez, 14 ans, ont attaqué collectivement le gouvernement américain.
Celui-ci est accusé par les jeunes plaignants d’avoir condamné leur avenir en ne mettant pas en place une stratégie pour éviter le scénario catastrophe d’une augmentation de 2°C d’ici à la fin du siècle. La Cour suprême a rejeté la plainte début mai 2014 considérant qu’elle n’avait pas la compétence pour protéger des ressources naturelles. L’affaire a cependant fait trembler la plus grande association d’industriels américains, l’American Association of Manufacturers, qui représente notamment les intérêts du secteur des énergies fossiles.
Les peuples arctiques, dont les moyens d’existence sont menacés par la fonte des glaces, ont eux-aussi décidé de déposer une plainte contre le gouvernement américain auprès de la Commission interaméricaine des Droits de l’Homme. Ils demandent à ce que les États-Unis soient contraints de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Si la plainte est jugée recevable, la Cour interaméricaine des droits de l’homme l’instruira. Cela paraît peu probable car les États-Unis n’ont pas ratifié la déclaration des Droits de l’homme de 1948, aussi incroyable que cela puisse paraître. Mais toute dénonciation de la Commission aura un impact diplomatique percutant, aucun État n’appréciant d’être pointé du doigt.
Pour l’heure, les intérêts de nos gouvernants restent intimement liés aux intérêts du secteur privé, en particulier à toutes les entreprises multinationales qui financent les campagnes politiques et où l’État est parfois lui-même actionnaire. Cette collusion des intérêts permet aux 90 entités (multinationales, certains États) qui produisent les deux-tiers des émissions de gaz à effet de serre de dicter des normes qui leur sont favorables dans un souci de profits.
Sous d’autres latitudes, dans le Pacifique, les insulaires crient au secours face à la submersion de leurs lieux de vie. Ils revendiquent leur droit de traîner les gros pollueurs en justice. Dans la « Déclaration du peuple pour une justice climatique », publiée le 8 juin 2015 au Vanuatu et rédigée par des représentants communautaires du Vanuatu, des Philippines, des Fidji, des Kiribati, des îles Salomon et de Tuvalu, il est écrit : « En tant que personnes qui sont le plus évidemment vulnérables face aux impacts du changement climatique, nous ne laisserons pas les gros pollueurs décider de notre sort. (…) Nos droits et notre capacité à survivre ne doivent pas être dictés par la dépendance persistante à la combustion d’énergies fossiles. »
Nous ne pouvons plus nous permettre de ne réagir que quand des crises surviennent. Si l’on ne compte que les personnes qui seront amenées à se déplacer en lien avec le changement climatique, et son lot de sécheresses ou à l’inverse d’inondations, voire de submersions, on estime à 150 voire 250 millions les personnes qui devront fuir leur lieu de vie d’ici à 2050, dont 60 millions en Afrique sub-saharienne d’ici à 2020. Or, la seule vraie solution concernant le changement climatique consiste à laisser 80 % des réserves fossiles connues sous terre, inexploitées à jamais (lire l’appel Crime Climatique Stop !). Au nom des millions de victimes de la montée des eaux, de pénurie alimentaire, de destruction de leurs moyens d’existence, nous demandons à ceux qui nous dirigent de prendre la mesure de leurs responsabilités vis-à-vis des générations actuelles et des générations futures.
A l’approche de la COP21, et en analysant les engagements déjà mis sur la table, on réalise que nos gouvernants sont incapables de faire des propositions où l’intérêt global – à savoir la sûreté de la planète – primerait sur l’intérêt national. Au 8 septembre 2015, le diagnostic est pessimiste. Les 58 contributions présentées, représentant à elles seules près de 60 % des émissions de gaz à effet de serre conduiraient déjà à un réchauffement supérieur à 3°C (voir 4°C) d’ici la fin du siècle. Pour se faire une idée, + 4°C équivaut à une situation connue par la Terre il y a 125 000 ans : à cette époque, les océans étaient plus haut de 6 mètres.
Un espoir nous vient des Pays Bas. En juin dernier, un tribunal de La Haye a donné raison à la plainte de 886 citoyens contre leur gouvernement. Les plaignants avaient demandé aux juges de qualifier un réchauffement climatique de plus de 2 °C de « violation des droits humains ». Dans son jugement, le tribunal a estimé que l’État néerlandais devait réduire ses émissions afin de respecter « la norme de 25 à 40 % que les scientifiques et les politiques internationales estiment nécessaire pour les pays industrialisés (…) en raison de son devoir de vigilance pour protéger et améliorer l’environnement ». Depuis ce verdict, des citoyens s’organisent dans de nombreux pays pour agir en justice contre leur propre gouvernement, notamment en France.
Mais pour le mouvement End Ecocide on Earth, il faut aller encore plus loin. Nous demandons en effet que ceux qui détiennent notre destin commun en mains, en particulier ceux qui dirigent le secteur pétrolier, celui de l’agro-industrie, du nucléaire, ceux qui subventionnent et spéculent sur ces marchés, soient encadrés par le droit pénal international. Il faut qu’ils puissent répondre de leurs décisions quand celles-ci impactent la survie de populations entières en détruisant leurs conditions d’existence, même si cela permet d’offrir plus de confort à quelques-uns d’entre nous. C’est tout simplement immoral et suicidaire à long-terme.
Pour nous, détruire l’environnement global, menacer la sûreté de la planète est une atteinte aux droits fondamentaux de l’homme et devrait être considéré comme un des crimes internationaux les plus graves, à l’image du génocide ou du crime contre l’humanité. Ce crime a un nom : l’écocide.
La cour pénale internationale doit être dotée de moyens pour prévenir des dégradations environnementales majeures en imposant des mesures conservatoires et en suspendant des projets industriels dangereux pour la sûreté de la planète : forages dans des communaux globaux tel que l’Antarctique, déforestations massives, sites industriels fortement émetteurs de gaz à effet de serre, mais aussi sites nucléaires. Il faut que le principe de précaution, posé par l’article 15 de la déclaration de Rio, soit appliqué à l’échelle planétaire et que les crimes d’écocide puissent être sanctionnés. La société civile peut soutenir cette proposition via le site du mouvement.
Valérie Cabanes
by admin with no comments yetTémoignage en images sur la Baie d’Audierne, en Finistère. Un sujet de France 3 Iroise
by admin with no comments yetUn grand, très grand moment durant la COP21 que l’organisation de ce tribunal des peuples pour témoigner et statuer sur des cas emblématiques de violations des droits de la nature et/ou d’écocides.
Le Tribunal propose une alternative systémique à la protection environnementale, en reconnaissant aux écosystèmes leurs droits à l’existence, au maintien, à la préservation et à la régénération et que ces droits puissent être revendiqués en Justice.
Il s’attache aussi à offrir une voix aux peuples autochtones afin qu’ils partagent avec la communauté mondiale leurs préoccupations et leurs solutions singulières concernant la terre, l’eau, l’air et la culture.
Pendant deux journées entières, le tribunal a formulé des jugements et recommandations dans une perspective de protection et de restauration de la Terre en se fondant sur la Déclaration Universelle des Droits de la Terre Mère (DUDTM). Cette déclaration définit entre autres les devoirs incombant à l’humanité afin de respecter l’intégrité des cycles écologiques vitaux de la planète. De ce fait, la Déclaration promeut la proposition d’amendements au Statut de la Cour Pénale Internationale permettant la reconnaissance du crime d’écocide. Certains cas ont donc aussi été jugés comme crimes d’Ecocide.
L’après midi consacrée à l’examen de cas suspectés écocidaires a été filmée par l’équipe de Justice5Continents ici. J’y présente le texte des 17 amendements proposé au Statut de la Cour Pénale Internationale, à visionner en ligne.
by admin with no comments yet… de mère nature se forme pour déclarer ” l’écocide ” crime contre l’humanité . … Un appel au rassemblement …
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