Appel de personnalités mondiales, issues de 12 pays (dont 8 membres de l’OTAN)
initiée par Initiatives pour le Désarmement Nucléaire
Les États-Unis ne manifestent à présent, sous la présidence de Donald Trump, aucune intention de retirer leurs quelque 150 armes dites non stratégiques déployées sur le sol de cinq pays européens de l’OTAN ; ils prévoient même de consacrer 11 milliards de dollars à leur modernisation. Inutile militairement, cette modernisation menacerait la sécurité et la stabilité du continent européen en transformant de simples bombes à gravité à valeur essentiellement politique en armes précises et modulables qui aggraveraient le risque d’une guerre nucléaire en Europe.
Pour remédier à l’obsolescence des armes tactiques actuelles, la solution n’est pas de les moderniser mais de les éliminer, en Europe comme en Russie. Or, l’indispensable dialogue avec la Russie sur ces armes fait cruellement défaut. En réponse au comportement de Moscou jugé agressif en Ukraine et à ses pressions sur les pays baltes, l’OTAN s’est contenté, dans le communiqué de Varsovie de 2016, de rappeler que « la posture de dissuasion nucléaire de l’OTAN repose (…), en partie, sur les armes nucléaires des États Unis déployées à l’avant en Europe, ainsi que sur les capacités et l’infrastructure mise à disposition par les Alliés concernés. »
Pourtant, l’objectif de l’OTAN, affiché dans son Concept stratégique de 2010 était plus ambitieux : « tenter d’obtenir de la Russie qu’elle accepte d’accroître la transparence sur ses armes nucléaires en Europe et de les redéployer à distance du territoire des pays membres de l’OTAN. Toute nouvelle mesure devra tenir compte de la disparité entre les stocks d’armes nucléaires de courte portée, plus importants du côté russe. »
Aujourd’hui, la Russie procède à de la gesticulation et de l’intimidation en modernisant un centre de stockage qui pourrait abriter des missiles à têtes nucléaires à Kaliningrad, à quelques dizaines de kilomètres de la Pologne, Etat membre de l’OTAN. De son côté, l’administration Trump a pris prétexte des évolutions de l’arsenal russe pour préconiser, dans la Nuclear Posture Review de février 2018, l’introduction de nouvelles armes nucléaires à « faible puissance » dans la panoplie des Etats-Unis.
Où l’escalade peut-elle conduire ? N’est-il pas temps de relancer une négociation qui permettrait d’éliminer un échelon jugé dangereux dans le prétendu équilibre de la terreur ? En effet, croire que le maintien d’armes nucléaires « tactiques » dans les pays européens garantira leur sécurité est illusoire : les pays qui les accueillent deviennent des cibles potentielles ; l’emploi de ces armes déclencherait forcément une riposte « stratégique » et la catastrophe ne pourrait être empêchée.
Le sommet de l’OTAN des 11 et 12 juillet 2018 offre une occasion unique pour les membres européens de l’Alliance de reprendre l’initiative et d’exiger des Américains une négociation qui devrait déboucher sur le retrait des armes tant américaines que russes du sol européen. Se contenter d’attendre que la Russie « crée les conditions du désarmement » n’est plus une option. Si la Russie exige de mettre sur la table non seulement les armes non stratégiques mais aussi les armes stratégiques déployées et non déployées, la défense anti-missile et les armes conventionnelles, cela offrira d’autant plus d’opportunités pour des compromis vers une réduction du risque nucléaire dans l’intérêt de tous.
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Quelques chiffres
Sur les 6.850 armes nucléaires possédées par la Russie, les estimations de son arsenal non-stratégique varient entre 1.830 et 6.000, aucun chiffre officiel n’étant fourni. A la différence des armes dites stratégiques, ces armes ne sont pas couvertes par le Traité New START ni par le Traité FNI de 1987 sur les missiles à portée moyenne et intermédiaire, mais par les Initiatives nucléaires présidentielles (PNI) de 1991 et 1992, qui ont abouti à l’élimination de milliers d’armes tactiques. La plupart de ces armes, aujourd’hui réparties entre l’armée de l’air et la marine, sont déclarées comme non déployées, c’est-à-dire stockées centralement, ce qui leur assure un niveau opérationnel relativement bas. La position diplomatique de la Russie consiste à n’accepter de négocier sur ses armes non stratégiques qu’une fois les armes américaines équivalentes rapatriées sur le sol américain.
Au sein d’un stock officiel de 6.450 armes nucléaires, les Etats-Unis possèdent un arsenal d’environ 500 armes non stratégiques dont 150 déployées en Europe sur le sol de cinq pays membres de l’OTAN (Allemagne, Belgique, Italie, Pays-Bas, Turquie). Les actuelles bombes à gravitation B61 sont en cours de modernisation (pour un coût de 11 milliards de dollars). Leur puissance peut varier entre 0,3 et 360 kilotonnes (soit 24 fois la bombe d’Hiroshima).
France :
Paul Quilès (ancien ministre),
Bernard Norlain (général d’aviation)
Marc Finaud (ancien diplomate)
Jean-Marie Collin (expert)
Rony Brauman (ancien président de Médecins sans frontières)
Valérie Cabanes (juriste internationale spécialisée dans les droits de l’homme)
Michel Drain (chercheur à l’IFRI et conseiller auprès de la Conférence des évêques de France)
Jean-Pierre Dupuy (philosophe, professeur à l’Université Stanford (USA), président de la commission d’éthique de l’IRSN)
Pugwash-France (représenté par Nicolas Delerue, président)
Mgr Marc Stenger (évêque de Troyes, président de Pax Christi France)
Annick Suzor-Weiner (Vice-Présidente Pugwash-France, Université Paris-Sud)
Belgique :
Luc Mampaey (Directeur du GRIP et maître de conférences à l’Université Libre de Bruxelles)
Tom Sauer (professeur de politique internationale, Université d’Anvers)
Christophe Wasinksi (maître de conférences, Université libre de Bruxelles)
Grande-Bretagne :
Paul Ingram (expert)
Louise Doswald-Beck (professeure émérite, Genève)
Dan Plesch (professeur)
Strategic Concept for the Removal of Arms and Proliferation (SCRAP)
Allemagne :
Bernd Kubbig (professeur adjoint émérite, Francfort)
Ralf Trapp (consultant)
Italie :
Georgio Nebbia (professeur, Université de Bari)
Suisse :
David Atwood (Quaker UN Office et Small Arms Survey)
Valérie Fert (présidente GMAP Suisse)
Grégoire Mallard (professeur adjoint, Genève)
Pays-Bas :
Pugwash-NL (représenté par Amb. Marc Vogelaar, president)
Russie:
Alexander Likhotal (professeur, Geneva School of Diplomacy and International Relations)
Etats-Unis :
John Burroughs (directeur exécutif, Lawyers Committee on Nuclear Policy)
Canada:
Paul Meyer (Canadian Pugwash Group)
Peggy Mason (Institut Rideau)
Women’s International League for Peace and Freedom (représentée par Diane Brown)
Australie:
John Hallam (Human Survival Project)
Nouvelle-Zélande:
Alyn Ware (World Future Council)