Allocution Soirée de Lancement du livre « Crime climatique Stop! »
Maison des Océans – Paris – 3 septembre 2015
Détruire l’environnement global, menacer la sûreté de la planète, ce que nous nommons commettre un écocide est une atteinte aux droits fondamentaux de l’homme et devrait être considéré comme un des crimes internationaux les plus graves, à l’image du génocide ou du crime contre l’humanité. Nous devons reconnaître le vivant comme un sujet de droit, ceci afin de protéger les conditions de vie des générations actuelles et futures.
Il est en effet temps de constater le caractère criminel de certaines pratiques à l’origine de l’écocide planétaire dont le crime climatique est une des expressions.
Pourquoi avoir choisi ce mot ? Parce qu’il exprime l’urgente réalité: “Eco” vient du grec ancien“maison”. “Cidere” vient du latin : “tuer”. L’écocide est le fait de détruire notre maison, la seule que nous ayons: la Terre.
Selon une étude de la Simon Fraser University (SFU) de Vancouver publiée dans la revue Nature en 2012, le maintien des écosystèmes terrestres, sous l’effet des dégradations causées par l’homme,pourrait franchir un point de non-retour avant la fin du siècle. Cet effondrement s’accompagne d’une chute de la biodiversité planétaire et nous plonge au cœur d’une sixième extinction animale de masse confirmée encore dernièrement par une étude publiée en juin dans Science Advances par des experts des universités américaines de Stanford,de Princeton et de Berkeley.
Le seuil défini comme irréversible pour maintenir la diversité du Vivant sur terre correspondrait à l’utilisation de 50% des ressources terrestres. Or, aujourd’hui, 43 % des écosystèmes terrestres sont déjà saccagés pour subvenir aux besoins des hommes et ce phénomène couplé à l’excès d’émissions de gaz à effet de serre ont modifié presque la moitié des climats sur Terre. Ces changements s’effectuent de manière brutale, empêchant les populations les plus vulnérables, les espèces et les écosystèmes de s’y adapter.
Mais aucun décideur n’assume pleinement ses responsabilités. L’intérêt national primant toujours sur le global, et surtout parce qu’ils n’encourent personnellement aucun risque.
A l’heure actuelle, quand un crime écologique ou climatique est commis, qui est nommé responsable ? Quels décideurs, chefs d’états, dirigeants de multinationales ou d’institutions financières, sont sommés de répondre de leurs décisions quand elles impactent la survie de populations entières en détruisant leurs conditions d’existence ?
Poursuivre en justice des sociétés entant qu’entités morales n’est pas suffisant pour discipliner les comportements dangereux des industriels et des spéculateurs. Quand Total a été condamnée en2012 pour la pollution engendrée par le naufrage de l’Erika, elle n’a eu à payer que 171 millions d’euros d’indemnisations aux parties civiles. Que représente cette somme face aux 12 milliards de bénéfices engendrés en 2011??Tant que les dirigeants eux-mêmes de ces sociétés n’engageront pas leur responsabilité pénale, il y a peu de chance pour que le droit international, en matière de droits humains, de droit de l’environnement et du droit de la mer, soit respecté.
Parallèlement, il est nécessaire d’appliquer le principe de précaution posé par l’article 15 de la déclaration de Rio à l’échelle universelle et ainsi donner les moyens à la cour pénale internationale de prévenir des dégradations environnementales majeures en imposant des mesures conservatoires et en suspendant des projets industriels dangereux pour la sûreté de la planète : forages dans des communaux globaux tel que l’Antarctique, déforestations massives, sites industriels fortement émetteurs de gaz à effet de serre, mais aussi sites nucléaires.
La Justice aux Pays Bas l’a compris. En juin dernier, un tribunal de La Haye a donné raison à la plainte de 886citoyens contre leur gouvernement. Les plaignants avaient demandé aux juges de qualifier un réchauffement climatique de plus de 2 °C de « violation des droits humains ». Dans son jugement, le tribunal a estimé que l’État néerlandais devait réduire ses émissions afin de respecter « la norme de 25 à40 % que les scientifiques et les politiques internationales estiment nécessaire pour les pays industrialisés », « en raison de son devoir de vigilance pour protéger et améliorer l’environnement ».
Enfin la justice internationale doit aussi pouvoir faire appliquer un principe de responsabilité partagée au sein des acteurs internationaux, en particulier dans le cas de désastres climatiques d’origine anthropique. Il nous faut prendre en charge les victimes et reconnaître leur statut de réfugiés climatiques. En effet, selon le Internal Displacement Monitoring Center, le nombre de personnes obligées de se déplacer à cause des conséquences du changement climatique devrait se situer entre 150 et 250 millions en 2050.
Face à ces différents constats, une législation plus contraignante et internationalisée paraît éminemment nécessaire. Les experts d’End Ecocide on Earth ont travaillé sur une définition claire du crime d’écocide et sur ses champs et mesures d’application. Nous demandons maintenant aux États parties à la CPI de l’élever au rang des crimes internationaux.
Nous devons être capables de désigner ceux qui ne prennent pas la mesure de leurs actes, et qui continuent de privilégier l’exploitation et l’utilisation des énergies fossiles au détriment de sources énergétiques renouvelables.
Les insulaires du Pacifique revendiquent d’ailleurs leur droit de traîner les gros pollueurs en justice. Dans la « Déclaration du peuple pour une justice climatique, » publiée le 8 juin 2015 au Vanuatu et rédigée par des représentants communautaires du Vanuatu, des Philippines, des Fidji, des Kiribati, des îles Salomon et de Tuvalu, il est écrit « En tant que personnes qui sont le plus évidemment vulnérables face aux impacts du changement climatique, nous ne laisserons pas les gros pollueurs décider de notre sort, » « Nos droits et notre capacité à survivre ne doivent pas être dictés par la dépendance persistante à la combustion d’énergies fossiles. »
Valérie Cabanes
Juriste en Droit International Humanitaire & en Droit International des Droits de l’Homme
Porte Parole d’End Ecocide on Earth
DEMANDEZ LA RECONNAISSANCE DES ÉCOCIDES sur https://www.endecocide.org/fr/sign/
SIGNEZ L’APPEL « LAISSONS LES FOSSILES DANS LE SOL » sur http://350.org/climate-crimes-fr/
Résistances au libre-échange et multinationales
Atelier
Jeudi 27 août 2015 14h – 16h30
Après avoir sollicité le secrétaire général de l’ONU à Rio en 2012, le Tribunal mondial des droits de la nature a tenu 2 sessions : l’une en janvier 2014 à Quito, la deuxième les 5 et 6 décembre 2014 à Lima pendant la COP 20. Le tribunal a sollicité l’organisation d’une session pendant la COP 21 à Paris : elle se tiendra les 4 et 5 décembre. Considérer la Nature comme sujet de droit pose un certain nombre de questions et interroge notre conception de la place de la Nature par rapport à l’Homme « Il ne saurait y avoir Droits de la Nature sans reconnaissance du Droit de l’Homme et des générations futures à bénéficier des bienfaits d’un environnement sain et viable ». Cet atelier permettra d’échanger autour des trois axes, philosophique, juridique et économique, structurant le travail du Tribunal pour les nécessaires changement des consciences et des pratiques et pour qu’émergent des systèmes juridiques et économiques respectueux du devenir de l’homme et de la vie sur Terre.
Intervenant⋅e⋅s
Geneviève Azam
Jacqueline Balvet
Valérie Cabanes (End Ecocide on Earth)
Susan George (Présidente d’honneur d’Attac France)
Pablo Solon (Fondation Solon)