Paru le 19 octobre 2017 chez Buchet-Chastel
avec en guise de préface : quelques lignes offertes par Edgar Morin, parce que les idées exprimées dans ce livre entrent en résonance avec celles qu’il défend.
4e de couverture: Grâce à des conditions climatiques favorables et à des milieux de vie fertiles et foisonnants de biodiversité, nous avons prospéré pendant des millénaires. Toutefois, depuis deux siècles nous avons malmené l’écosystème qui nous abrite et nous nourrit car nous évoluons comme hors-sol, isolés du reste du vivant, oubliant que nous sommes des êtres de nature.
Nous devons réapprendre, à l’image des peuples premiers, notre rôle de gardiens. Nous devons retrouver le chemin d’une cohabitation harmonieuse avec les arbres, les plantes et les animaux mais aussi entre nous. Cette démarche exige de baisser nos armes économiques, de questionner notre rapport à la propriété, de limiter la souveraineté des États, de repenser la démocratie. Elle impose enfin de reconnaître que la nature a le droit d’exister et de se régénérer. C’est ainsi que nous pourrons garantir aux générations futures le droit à vivre dans un environnement sain et pérenne.
(Extrait de l’article de Libération à lire en ligne ici)
La juriste plaide pour une modification du droit international, aujourd’hui pas assez outillé, selon elle, pour faire face aux dégradations de l’environnement et sanctionner efficacement les multinationales irresponsables.
Un écocide, qu’est-ce que c’est ?
C’est le fait de tuer notre maison commune (le mot vient du grec oikos, «maison», et du latin occidere, «tuer»), celle qui rend notre vie possible. Le terme a été utilisé pour la première fois en 1972 par le Premier ministre suédois Olof Palme, pour qualifier la guerre du Vietnam et l’épandage de défoliant, l’«agent orange», par l’armée américaine sur les forêts vietnamiennes. Des manifestations avaient alors eu lieu aux Etats-Unis pour que l’écocide soit reconnu comme un crime contre la paix. Mais les tentatives ont toujours échoué, notamment à cause de la pression d’Etats comme la France, qui y voyait un risque pour le nucléaire.
Il s’agit de modifier le statut de Rome, sur lequel se fonde la Cour pénale internationale, pour que l’écocide devienne le cinquième crime international contre la paix, aux côtés du crime contre l’humanité, du crime de guerre, du génocide et du crime d’agression. Pour cela, il faudrait qu’un pays soumette ce projet au secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. L’Afrique du Sud et la Bolivie sont intéressées. Le texte sera ensuite discuté et devra recueillir le vote de 82 Etats au minimum. Pas facile, mais on peut les trouver.
Celle qu’End Ecocide on Earth défend est radicale. Elle repose sur la notion de sûreté de la planète et entend criminaliser les dommages graves et durables commis à l’encontre des écosystèmes dont dépend la vie de populations entières, ou de sous-groupes comme les Indiens des forêts brésiliennes. Mais aussi contre ce que nous appelons les «communs planétaires» : l’espace, l’atmosphère terrestre, les fonds marins, l’Antarctique… C’est-à-dire ce qui n’appartient à personne. Ce qui, aujourd’hui, pousse plutôt à leur surexploitation. Fukushima serait ainsi un double écocide : la catastrophe a non seulement mis en danger les riverains japonais, mais, en déversant des tonnes d’eau radioactives dans l’océan, elle a aussi atteint un commun planétaire. Dans notre définition, pas besoin de prouver l’intention de nuire à la nature. Si on reste sur une lecture intentionnelle, on ne pourra jamais poursuivre personne : aucun chef d’entreprise ne dira qu’il a foré le sol dans le but de nuire à la nature. Une personne doit pouvoir être poursuivie si elle avait conscience que ses actes pouvaient avoir de telles conséquences. Condamner un écocide, même non intentionnel, permet de mettre en place un vrai principe de précaution, universel et contraignant.
Allocution Soirée de Lancement du livre « Crime climatique Stop! »
Maison des Océans – Paris – 3 septembre 2015
Détruire l’environnement global, menacer la sûreté de la planète, ce que nous nommons commettre un écocide est une atteinte aux droits fondamentaux de l’homme et devrait être considéré comme un des crimes internationaux les plus graves, à l’image du génocide ou du crime contre l’humanité. Nous devons reconnaître le vivant comme un sujet de droit, ceci afin de protéger les conditions de vie des générations actuelles et futures.
Il est en effet temps de constater le caractère criminel de certaines pratiques à l’origine de l’écocide planétaire dont le crime climatique est une des expressions.
Pourquoi avoir choisi ce mot ? Parce qu’il exprime l’urgente réalité: “Eco” vient du grec ancien“maison”. “Cidere” vient du latin : “tuer”. L’écocide est le fait de détruire notre maison, la seule que nous ayons: la Terre.
Selon une étude de la Simon Fraser University (SFU) de Vancouver publiée dans la revue Nature en 2012, le maintien des écosystèmes terrestres, sous l’effet des dégradations causées par l’homme,pourrait franchir un point de non-retour avant la fin du siècle. Cet effondrement s’accompagne d’une chute de la biodiversité planétaire et nous plonge au cœur d’une sixième extinction animale de masse confirmée encore dernièrement par une étude publiée en juin dans Science Advances par des experts des universités américaines de Stanford,de Princeton et de Berkeley.
Le seuil défini comme irréversible pour maintenir la diversité du Vivant sur terre correspondrait à l’utilisation de 50% des ressources terrestres. Or, aujourd’hui, 43 % des écosystèmes terrestres sont déjà saccagés pour subvenir aux besoins des hommes et ce phénomène couplé à l’excès d’émissions de gaz à effet de serre ont modifié presque la moitié des climats sur Terre. Ces changements s’effectuent de manière brutale, empêchant les populations les plus vulnérables, les espèces et les écosystèmes de s’y adapter.
Mais aucun décideur n’assume pleinement ses responsabilités. L’intérêt national primant toujours sur le global, et surtout parce qu’ils n’encourent personnellement aucun risque.
A l’heure actuelle, quand un crime écologique ou climatique est commis, qui est nommé responsable ? Quels décideurs, chefs d’états, dirigeants de multinationales ou d’institutions financières, sont sommés de répondre de leurs décisions quand elles impactent la survie de populations entières en détruisant leurs conditions d’existence ?
Poursuivre en justice des sociétés entant qu’entités morales n’est pas suffisant pour discipliner les comportements dangereux des industriels et des spéculateurs. Quand Total a été condamnée en2012 pour la pollution engendrée par le naufrage de l’Erika, elle n’a eu à payer que 171 millions d’euros d’indemnisations aux parties civiles. Que représente cette somme face aux 12 milliards de bénéfices engendrés en 2011??Tant que les dirigeants eux-mêmes de ces sociétés n’engageront pas leur responsabilité pénale, il y a peu de chance pour que le droit international, en matière de droits humains, de droit de l’environnement et du droit de la mer, soit respecté.
Parallèlement, il est nécessaire d’appliquer le principe de précaution posé par l’article 15 de la déclaration de Rio à l’échelle universelle et ainsi donner les moyens à la cour pénale internationale de prévenir des dégradations environnementales majeures en imposant des mesures conservatoires et en suspendant des projets industriels dangereux pour la sûreté de la planète : forages dans des communaux globaux tel que l’Antarctique, déforestations massives, sites industriels fortement émetteurs de gaz à effet de serre, mais aussi sites nucléaires.
La Justice aux Pays Bas l’a compris. En juin dernier, un tribunal de La Haye a donné raison à la plainte de 886citoyens contre leur gouvernement. Les plaignants avaient demandé aux juges de qualifier un réchauffement climatique de plus de 2 °C de « violation des droits humains ». Dans son jugement, le tribunal a estimé que l’État néerlandais devait réduire ses émissions afin de respecter « la norme de 25 à40 % que les scientifiques et les politiques internationales estiment nécessaire pour les pays industrialisés », « en raison de son devoir de vigilance pour protéger et améliorer l’environnement ».
Enfin la justice internationale doit aussi pouvoir faire appliquer un principe de responsabilité partagée au sein des acteurs internationaux, en particulier dans le cas de désastres climatiques d’origine anthropique. Il nous faut prendre en charge les victimes et reconnaître leur statut de réfugiés climatiques. En effet, selon le Internal Displacement Monitoring Center, le nombre de personnes obligées de se déplacer à cause des conséquences du changement climatique devrait se situer entre 150 et 250 millions en 2050.
Face à ces différents constats, une législation plus contraignante et internationalisée paraît éminemment nécessaire. Les experts d’End Ecocide on Earth ont travaillé sur une définition claire du crime d’écocide et sur ses champs et mesures d’application. Nous demandons maintenant aux États parties à la CPI de l’élever au rang des crimes internationaux.
Nous devons être capables de désigner ceux qui ne prennent pas la mesure de leurs actes, et qui continuent de privilégier l’exploitation et l’utilisation des énergies fossiles au détriment de sources énergétiques renouvelables.
Les insulaires du Pacifique revendiquent d’ailleurs leur droit de traîner les gros pollueurs en justice. Dans la « Déclaration du peuple pour une justice climatique, » publiée le 8 juin 2015 au Vanuatu et rédigée par des représentants communautaires du Vanuatu, des Philippines, des Fidji, des Kiribati, des îles Salomon et de Tuvalu, il est écrit « En tant que personnes qui sont le plus évidemment vulnérables face aux impacts du changement climatique, nous ne laisserons pas les gros pollueurs décider de notre sort, » « Nos droits et notre capacité à survivre ne doivent pas être dictés par la dépendance persistante à la combustion d’énergies fossiles. »
Valérie Cabanes
Juriste en Droit International Humanitaire & en Droit International des Droits de l’Homme
Porte Parole d’End Ecocide on Earth
DEMANDEZ LA RECONNAISSANCE DES ÉCOCIDES sur https://www.endecocide.org/fr/sign/
SIGNEZ L’APPEL « LAISSONS LES FOSSILES DANS LE SOL » sur http://350.org/climate-crimes-fr/
Rien à Voir : un magazine de la rédaction d’Alternantes, émission proposée par Michel Sourget:
Je marche en compagnie de Michel Sourget dans les rues de Nantes lors du 5ème Forum mondial des droits de l’Homme afin d’éclairer sur ma démarche et de comprendre à quel carburant je fonctionne.
Avec les témoignages d’Hubert Reeves et de Pierre Rabhi sur l’état de notre planète. Et les commentaires de la population.
FORUM MONDIAL DES DROITS DE L’HOMME
Extrait de Conférence : la protection de l’environnement comme Droit de l’Homme
« Au nom du droit à la vie, l’homme a nécessairement le droit à un environnement sain. Au nom du droit à la paix, l’homme a nécessairement le droit à une gestion équitable et durable des ressources. Au nom du droit au développement, l’homme a nécessairement le droit à un environnement protégé.
Mais je pose la question : comment en est-on arrivé à dissocier l’humain et son environnement, par quelle prétention croyons-nous que l’environnement est une option ? N’est ce pas la raison même qui a conduit l’humanité à construire son développement sur l’exploitation effrénée des ressources terrestres ? Comment peut-on regarder en spectateur la chute vertigineuse de la biodiversité planétaire sans sentir intimement qu’elle nous entraîne avec elle ? Comment constater l’effondrement des écosystèmes sans se souvenir que le maillage de la vie inclut l’humain dans sa chaîne ? Comment avons-nous pu oublier si fondamentalement ce que les populations autochtones du monde n’ont jamais renié : à savoir que nous appartenons à la terre et non l’inverse ?
Aujourd’hui la protection de l’environnement n’est plus seulement un droit de l’homme, c’est un droit qui devrait être accordé à la nature elle-même et un devoir qui devrait être imposé à l’humanité pour préserver la paix et les générations futures.
Ce devoir est bafoué par un système industriel déconnecté de la réalité scientifique concernant l’importance primordiale des écosystèmes pour maintenir la vie sur terre … Pour mettre un terme à la destruction de nos écosystèmes et garantir la paix et l’avenir des générations futures, il faut pouvoir s’attaquer aux donneurs d’ordres et non pas seulement aux sociétés qui commettent des crimes environnementaux, il nous faut faire sauter les verrous de la législation actuelle et court-circuiter la pression des lobbies exercée sur nos représentants politiques… Avec une loi Ecocide, il s’agira de protéger le droit à la vie des humains mais aussi des autres êtres vivants. Il s’agira de reconnaître un droit humain à l’environnement mais aussi des droits à la nature en tant que telle. » Nantes, le 23 mai 2013
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