Publié Le 19.05.2017
Par Marie-Béatrice Baudet avec Stéphanie Maupas à La Haye
L’article est réservé aux abonnés du Monde en ligne
Consultable en pdf ici : Le Monde 20170520_IDH
Extraits :
Un choc, ou plutôt un élan : voilà ce qu’il faudrait pour propulser sur la scène internationale le concept d’« écocide ». Une arme-clé qui permet de punir les atteintes les plus graves à l’environnement, celles qui détruisent de manière irréversible la planète. « Eco » vient du grec oïkos, la maison, et « cide » du latin caedere, tuer : se rendre coupable d’écocide, c’est brûler notre foyer, la Terre. Construit à partir des mots « écosystème » et « génocide », le néologisme dérange. Quant à la notion de crime d’écocide, elle va radicalement à l’encontre des intérêts de mafias qui ont fait du trafic des espèces sauvages et du bois une nouvelle source de revenus et de ceux des multinationales chimiques ou nucléaires.
(…) le néologisme « écocide » fait débat. En janvier 2013, dans un entretien au quotidien La Croix, l’essayiste Bernard Perret, auteur de Pour une raison écologique (Flammarion, 2011), craint ainsi « l’effet contre-productif d’un parallélisme qui n’a pas lieu d’être entre génocide et écocide, c’est-à-dire entre des êtres humains et des écosystèmes ».
Philippe Descola, titulaire de la chaire d’anthropologie de la nature au Collège de France, explique au contraire « ne pas être du tout gêné » par l’expression. « Regardez ce qui se passe en Amérique latine. Les compagnies pétrolières et minières polluent l’air et le sol, bouleversent les conditions de vie de populations entières obligées d’abandonner leurs terres. C’est un écocide ou, dans le cas précis que j’évoque, un ethnocide », nous dit-il. (…) « Que des espaces de vie deviennent des sujets de droit est une manière d’en finir avec l’anthropocentrisme et l’individualisme possessif. Je plaide tout à fait pour cela », insiste-t-il. Le philosophe Dominique Bourg, professeur à l’université de Lausanne, s’inscrit dans cette ligne de pensée. « Défendre le concept d’écocide est un combat primordial. Bien sûr, certains appellent encore à hiérarchiser entre homme et nature ; mais il ne faut plus les opposer car les écosystèmes sont les conditions d’existence de l’humanité », souligne-t-il.
(…)Deux approches dominent. La première, défendue par Laurent Neyret et son groupe de seize juristes internationaux, vise à cantonner le terme d’écocide aux crimes intentionnels.
(…)La seconde approche est plus radicale, et refuse d’épargner les multinationales dont les activités altèrent de manière grave les écosystèmes. « Il est vital et urgent de poser un cadre contraignant à l’exploitation industrielle. Regardez ce qui se passe au Canada avec l’exploitation des sables bitumineux, qui anéantissent les sols. Faut-il continuer à laisser faire ?, s’insurge ainsi la juriste Valérie Cabanes, porte-parole du mouvement citoyen « End Ecocide on Earth » (« Arrêtons l’écocide planétaire ») et auteure d’Un nouveau droit pour la Terre (Seuil, 2016). De même, peut-on laisser les constructeurs de véhicules diesel dépasser les normes de pollution recommandées et provoquer des dizaines de milliers de morts prématurées ? » A ses yeux, si utopiste cela soit-il, « l’intérêt de l’humanité doit primer sur l’intérêt national ».
Afin d’alerter l’opinion et de démontrer le bien-fondé de sa démarche, Valérie Cabanes participe à l’organisation de vrais-faux procès contre des entreprises. Les 15 et 16 octobre 2016, un tribunal citoyen s’est ainsi tenu à La Haye – ville où siège la CPI – afin de juger Monsanto, le géant de l’agrochimie (qui fut d’ailleurs, avec Dow Chemical, l’un des fabricants de l’agent orange). Auditions de témoins, études scientifiques versées au dossier : les cinq « juges » ont travaillé pour rendre, non pas un verdict, mais un avis consultatif.
Celui-ci a été rendu public le 18 avril, après six mois de délibérations, par la présidente belge de ce « tribunal », Françoise Tulkens, ancienne juge à la Cour européenne des droits de l’homme. L’entreprise ayant refusé de venir à La Haye en dépit de l’invitation du « tribunal », le « procès » n’a pas pu respecter la règle du contradictoire. Monsanto a été reconnu coupable de « pratiques portant atteinte à de nombreux droits humains ». Selon cet avis, la multinationale inflige de lourds dommages à l’environnement et bafoue, entre autres, les droits à la santé et à l’alimentation. Le document final, riche d’une soixantaine de pages, se conclut par une demande de reconnaissance de l’écocide dans le droit international.
Les 15 & 16 octobre 2016 se tenait à La Haye, le tribunal citoyen contre Monsanto pour mettre à jour les pratiques du géant américain. Mohamed à Ouagadougou au Burkina Faso se demande quel est l’intérêt de ce tribunal sachant que Monsanto ne sera pas jugé (le tribunal se contentant de rendre un avis). Réponse sur RFI.
by admin with no comments yet
J’ai rejoint le comité directeur de la Fondation pour un tribunal contre Monsanto composé entre autres de Vandana Shiva, Corinne Lepage, Marie-Monique Robin, Olivier de Schutter, Gilles-Eric Séralini, Hans Herren. Nous avons organisé une conférence de presse le 3 décembre à Paris à Place to B.
Vous pouvez visionner une version synthétisée de cette conférence
PRESS CONF MONSANTO TRIBUNAL, PARIS, 3 DEC. 2015 SUBTITLE ENGLISH (SHORT) from Monsanto Tribunal on Vimeo.
ou vous pouvez visionner la conférence dans son intégralité ici.
Un nombre croissant de citoyens de différentes régions du monde voient aujourd’hui l’entreprise américaine Monsanto comme le symbole d’une agriculture industrielle et chimique qui pollue, accélère la perte de biodiversité et contribue de manière massive au réchauffement climatique.
Depuis le début du XXème siècle, cette multinationale a commercialisé des produits hautement toxiques qui ont durablement contaminé l’environnement et rendu malades ou causé la mort de milliers de personnes dans le monde :
· les PCB qui font partie des douze Polluants organiques persistants (POP) et affectent la fertilité humaine et animale ;
· le 2,4,5 T, l’un des composants de l’agent orange contenant de la dioxine qui fut déversé par l’armée américaine pendant la guerre du Vietnam et continue de provoquer malformations congénitales et cancers ;
· le lasso, un herbicide aujourd’hui interdit en Europe ;
· ou le roundup, l’herbicide le plus utilisé au monde, qui est à l’origine de l’un des plus grands scandales sanitaires et environnementaux de l’histoire moderne. Ce désherbant très toxique est associé aux monocultures transgéniques, principalement de soja, maïs et colza, destinées à l’alimentation animale ou à la production d’agro-carburants.
Le modèle agro-industriel promu par Monsanto est à l’origine d’au moins un tiers des émissions de gaz à effet de serre mondiales dues à l’activité humaine ; il est aussi largement responsable de l’épuisement des sols et des ressources en eau, de l’extinction de la biodiversité et de la marginalisation de millions de petits paysans. Il menace aussi la souveraineté alimentaire des peuples par le jeu des brevets sur les semences et de la privatisation du vivant.
De très nombreux articles de presse ont été publiés. Une revue de presse est consultable sur le site de la Fondation du Tribunal en plusieurs langues où vous êtes aussi invités à contribuer financièrement à la mise sur pied de ce Tribunal prévu du 14 au 16 octobre 2016.
by admin with no comments yet