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      Reconnaissons que la Nature a des droits !

    • Juin 14thPortrait Le Monde: Valérie Cabanes, l’arme du droit contre l’écocide

      Valérie Cabanes, l’arme du droit contre l’écocide

      Juriste et écologiste, militante et experte, Valérie Cabanes se bat pour que nos sociétés respectent enfin les « communs » et se dotent d’un droit international capable de sanctionner les crimes contre l’environnement.

      Par Luc Cédelle Publié le 21 mai 2020 à 06h15 – Mis à jour le 21 mai 2020 à 11h07

      Temps de Lecture 7 min.

      Valérie Cabanes. « « Nous sommes dans un moment où l’on reprend conscience de notre humanité commune et de l’urgence d’une solidarité internationale. »
      Valérie Cabanes. « « Nous sommes dans un moment où l’on reprend conscience de notre humanité commune et de l’urgence d’une solidarité internationale. » © Jerome Panconi

      La parole bien ciselée et les yeux plus que bleus, elle a un visage sculpté par le sourire. Valérie Cabanes (prononcer Cabanès), n’en est pas moins imprégnée de la noirceur du monde et du devoir de s’y opposer. Le halo d’angoisse et l’impact dévastateur de la pandémie ont rendu encore plus impératif son indissociable engagement de juriste et d’écologiste.

      « Nous sommes dans un moment où l’on reprend conscience de notre humanité commune et de l’urgence d’une solidarité internationale », dit-elle, effarée par l’annonce, le 29 avril par l’Organisation internationale du travail (OIT), que les trois quarts des travailleurs informels du globe, soit 1,6 milliard de personnes, sont immédiatement menacés de voir leurs moyens de subsistance anéantis. « Les trois quarts ! », répète-t-elle, se demandant comment conjurer à la fois l’égocentrisme hexagonal et la tentation, qui pointe déjà, de reprendre un inconcevable business as usual.

      Sur la scène de l’écologie, Valérie Cabanes est notamment cofondatrice en 2015, et aujourd’hui présidente d’honneur, de l’association Notre affaire à tous, à l’origine de la pétition L’Affaire du siècle, soutenant l’action en justice de quatre ONG contre l’Etat, qu’elles accusent d’ « inaction climatique ». Mais elle s’est surtout affirmée ces dernières années en porte-parole d’une cause qu’elle n’a pas inventée mais qu’elle est plus que jamais déterminée à faire progresser : celle de la reconnaissance en droit de l’écocide, autrement dit du crime commis contre l’environnement.

      Sur le plan national, européen et international, elle est de ceux qui échafaudent des stratégies pour que cette reconnaissance advienne et constitue enfin une véritable dissuasion. Son expertise en ce domaine lui a valu – et lui vaut encore – d’être consultée par les membres de la convention citoyenne pour le climat. Prise par la crise sanitaire comme un bateau dans les glaces, cette instance a poursuivi ses travaux en « distanciel » pendant le confinement et, pour ne pas être oubliée, a même dévoilé, le 9 avril, 50 premières propositions.

      Une citoyenne du monde

      Mais la remise solennelle et médiatisée de ses 150 propositions attend encore un moment où le Covid-19 ne serait plus l’unique sujet de l’attention publique. Pour la juriste qui – c’est le moins qu’on puisse dire – n’est pas, à ce stade, convaincue de la profondeur de l’engagement écologique de l’exécutif, ces propositions, une fois publiées, seront âprement discutées, « peut-être jusqu’au clash, ce n’est pas exclu ». En tout cas, elles seront forcément mises en balance avec des intérêts économiques aussi puissants qu’à courte vue. Ceux-là même avec lesquels elle a l’habitude de ferrailler sur le terrain du droit international… et souvent sur le terrain tout court, au risque d’aggraver, à 51 ans, son bilan carbone de grande voyageuse depuis l’enfance.

      Une enfance paisible et, déjà, de citoyenne du monde. Fille de hippies – des vrais, arrivés en Inde avant 1968 –, elle suivait, à l’âge de la maternelle, ses parents d’ashram en ashram, avant que, de retour en France, ils ne se stabilisent dans un vieux mas, équivalent provençal de la « maison bleue » de Maxime Leforestier. Quand ils se séparent, alors qu’elle a 8 ans, elle reste avec son père, qui organise en précurseur des rencontres New Age, tandis que sa mère part travailler à Paris pour Nouvelles Frontières.

      A 15 ans, la jeune fille poursuit ses études à Paris et part seule en voyage, profitant des billets gratuits que lui procure sa mère. Etudiante à Aix-en-Provence, elle envisage brièvement le journalisme avant de postuler à Bioforce Développement (aujourd’hui Institut Bioforce), centre lyonnais de formation aux métiers de l’humanitaire. Débute alors un parcours qui, comme souvent dans les ONG, tient aussi du film d’aventures. A 20 ans, elle dirige un projet au Burkina Faso.

      Thèse d’anthropologie juridique

      A 23 ans, elle est responsable pour Handicap International d’un centre orthopédique à Quetta, au Pakistan, à la frontière avec l’Afghanistan, où arrivent les talibans. Une nuit de 1995, à Kampala en Ouganda, elle est prise en otage avec sa fille de 4 ans et quelques collègues. Elle accompagnera aussi, en 1999, un programme de réinsertion de prostituées au Cambodge.

      En 2000, la trentaine passée et séparée (en bons termes) du père de ses deux enfants, lui aussi cadre humanitaire, elle se questionne sur les souffrances dont elle a été témoin, éprouvant le besoin d’aller « à la source des problèmes plutôt que de mettre des pansements sur les plaies ». La validation des acquis lui permet d’engager, à la faculté de droit et sciences politiques d’Aix-Marseille, un double cursus pour obtenir un diplôme à bac + 5 en « droit international : urgence, réhabilitation, développement » et un autre à bac + 6 de « juriste internationaliste de terrain ».

      Elle dirige ensuite Planète Enfants, une ONG luttant contre les trafics humains au Népal, en Inde, au Sri Lanka… mais basée alors en Dordogne, où elle habite aujourd’hui. Parallèlement, elle démarre une thèse d’anthropologie juridique qui l’amène, trois ans durant, à des séjours répétés au Québec auprès des Innus, peuple autochtone en conflit avec la société d’Etat Hydro-Québec, lancée dans la construction d’un ensemble de barrages sur leur territoire.

      Sur les promesses financières, les Innus finiront par voter en faveur de l’opération. Ayant suivi les négociations, la jeune femme est révoltée par les « manipulations visant à cacher l’impact destructeur du projet sur l’écosystème local ». Faute de pouvoir s’en tenir à la neutralité académique, elle renonce à sa thèse.

      L’écocide à la liste des crimes internationaux

      Passée sur le versant de l’expertise militante, elle accompagne en 2011, avec l’association Planète Amazone, une partie de la tournée européenne du cacique kayapo Raoni, mobilisé contre l’ensemble de barrages Bel Monte, au Brésil. Elle écrit pour des ONG des rapports destinés au Conseil des droits de l’homme de l’ONU sur les violations des droits humains au détriment des peuples autochtones et les dommages environnementaux – « deux faces d’une même médaille », dit-elle – et constate les failles du droit international sur ces sujets.

      Elle se lance alors sur les pas de l’avocate écossaise Polly Higgins (1968-2019). Figure prématurément disparue du mouvement écologiste mondial, celle-ci avait proposé en 2010 à la Commission du droit international de l’ONU un amendement au statut de Rome, le texte fondateur de la Cour pénale internationale (CPI), visant à ajouter l’écocide à la liste des crimes internationaux déjà retenus par cette instance. « L’avantage de la CPI, explique Valérie Cabanes, est qu’elle est indépendante des Nations unies et ne peut être bloquée par les Etats-Unis, qui n’en sont pas signataires. »

      La convention citoyenne pour le climat

      Avec ses collègues juristes du mouvement End Ecocide on Earth, inspiré par Polly Higgins, elle relance cette proposition depuis 2014, l’objectif étant de rallier les deux tiers des Etats signataires nécessaires pour amender le traité de la CPI afin de contraindre les multinationales au respect des droits humains et de l’environnement. « Le plaidoyer écologique, observe-t-elle, se heurte à deux obstacles : dans la tradition du droit public, ni les générations futures ni les éléments de la nature ne sont reconnus comme sujets de droit. C’est cela qu’il faut changer. »

      Mais comment définir un crime, l’écocide, dont les conséquences sont gravissimes mais les contours flous ? « En s’appuyant sur la science pour qualifier ce qui ne peut plus être toléré », dit-elle, se référant aux travaux des chercheurs du Stockholm Resilience Centre, qui ont répertorié en 2009 les neuf « points de bascule » ou « limites planétaires » au-delà desquels l’habitabilité de la planète est menacée.

      Comme l’économiste Gaël Giraud ou le philosophe Dominique Bourg, Valérie Cabanes s’efforce de populariser ces notions, espérant même que la convention citoyenne pour le climat proposera qu’il y soit fait référence dans la Constitution. Ces limites portent notamment sur la biodiversité et le taux de CO₂ dans l’atmosphère et – fragile mais précieuse avancée – ont été intégrées en 2012 par l’ONU aux outils de suivi des objectifs de développement durable.

      Réconcilier l’humanité avec la nature

      Elle propose « qu’elles deviennent des normes juridiques contraignantes », comportant un aspect de responsabilité pénale. Des périodes transitoires laisseraient cependant aux entreprises le temps de se mettre en conformité. « Beaucoup de PDG nous disent que ces contraintes leur permettraient de résister à leurs actionnaires », ajoute-t-elle, soulignant que « 71 % des émissions de gaz à effet de serre sont produites par 15 sociétés mères dans le monde ».

      Ces principes, qui passent aussi par des modalités complexes de représentation des éléments naturels (les « communs ») par des « tuteurs », sont développés dans son livre Un Nouveau droit pour la Terre (Seuil, 2016). Son second ouvrage, Homo natura (Buchet-Chastel, 2017), porte pile sur les thèmes aujourd’hui discutés, dans la perspective de l’après-Covid-19, dans les milieux de l’écologie.

      Elle y argumente notamment en faveur d’un rétablissement de l’autonomie alimentaire et de relocalisations qui ne se confondraient pas – c’est l’une de ses préoccupations du moment – « avec le discours de repli sur soi porté par les populistes ». Au contraire, Valérie Cabanes aspire à ce que l’on puisse « renouer avec l’esprit initial des Nations unies » et « relier le local avec l’universel en refusant une interdépendance économique qui ne s’appuierait pas sur l’interdépendance écologique ».

      Elle plaide plus largement, dans ce livre, pour « une nouvelle humanité réconciliée avec la nature » et qui choisirait, dans son rapport avec celle-ci, « l’usufruit plutôt que la propriété ». Une perspective pour laquelle, malgré le vertige qui étreint toutes les personnes engagées aujourd’hui dans la cause écologique, elle œuvre méthodiquement et pacifiquement.

      Luc Cédelle Lire aussi Valérie Cabanes : « Reconnaître la nature comme sujet de droit »

      Lire aussi « Comment contraindre les multinationales à respecter les droits humains et l’environnement »

      Lire aussi Philippe Descola : « Nous sommes devenus des virus pour la planète »

      Lire aussi Valérie Cabanes : « La rhétorique écologique des dirigeants français relève surtout d’éléments de langage »

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    • Avr 17thLa crise actuelle nous invite à penser le monde d’après

      La crise sanitaire actuelle souligne avec acuité nombre de problématiques liées à l’écologie et déjà beaucoup de questions se posent sur le monde d’après l’épidémie. J’insiste sur la dimension universelle du drame qui se joue et sur le fait que les plus pauvres en sont les premières victimes, loin de nos préoccupations occidentales: « je pense aussi énormément aux populations africaines, à l’Inde, aux populations amérindiennes qui ont un déficit immunitaire par rapport à nous, une incapacité génétique à se défendre contre ce type de virus, à toutes ces populations pauvres qui ne peuvent pas se confiner parce qu’elles ont besoin de se nourrir, d’aller chercher de l’eau, qui vivent parfois dans des bidonvilles serrés les uns contre les autres. Je suis consciente de toutes les souffrances que nous vivons au quotidien, mais je pense qu’elles sans commune mesure avec ce que vivent les populations des pays les plus pauvres ».

      Certains espèrent un retour à la normale, aussi rapide que possible et l’on peut évidemment comprendre les inquiétudes des acteurs économiques. Mais que veut dire retour à la normale ? Peut-on se permettre de tout recommencer comme avant ? N’avons-nous pas le devoir collectif de nous demander ce qui, dans le monde d’avant, a contribué à la situation actuelle et d’en tirer les enseignements ? Le bouleversement en cours n’est-il pas une formidable occasion de repenser notre monde et de prendre enfin acte de manière concrète de la nécessité de changer pour faire que notre planète reste habitable et que nous les humains ayons encore un avenir ?

      Nous ne pouvons plus attendre et un changement profond de nos modes de vie et des règles de nos sociétés s’impose: « Une zoonose, c’est-à-dire une maladie qui se transmet d’un animal sauvage vertébré à un humain ne peut se transmettre que quand les humains sont trop proches des espaces sauvages. La déforestation y contribue, tout comme l’urbanisation galopante, la concentration d’humains au même endroit trop près des espaces naturels, le braconnage et le fait de se nourrir de viande d’animaux sauvages. Ce qui s’est passé en Chine peut se passer demain en Amazonie et cette pandémie n’est probablement qu’une des premières que nous allons vivre. J’ai vu des rapports de l’armée américaine qui se prépare depuis plus de 20 ans à ce type de pandémie et elle n’est donc que le symptôme des pressions que nous exerçons sur les écosystèmes du monde depuis trop longtemps. Elle n’est qu’un révélateur de l’écocide en cours et elle nous oblige donc à nous poser les bonnes questions et à penser le monde d’après. »

      Comment agir? Le droit est outil précieux. Présidente d’honneur de Notre affaire à tous, je suis très engagée dans un plaidoyer pour la reconnaissance du crime d’écocide car le droit est un outil incontournable pour relever le défi écologique.

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    • Nov 19thConférences Novembre 2019

      Quatre conférences les 20, 21, 22 et 23 novembre 2019
      autour du Droit à l’Eau, des droits de la nature, du Droit à la gouvernance locale, des droits humains
      pour penser le monde de DEMAIN.

       

       

      France Libertés – Prix Danièle Mitterand
      20 Novembre 16h30-18h La Bellevilloise Paris

      Cérémonie de remise du Prix Danielle Mitterrand au défenseur chilien Rodrigo Mundaca très investi pour le droit à l’eau. Puis Discussion avec Rodrigo Munduca, Jérémie Chomette et Valérie Cabanes : « la métamorphose de notre monde, par notre rapport à la nature ».

       

       


      Conférence France Inter – Demain notre planète : Changer
      Le jeudi 21 novembre, de 20h à 22h depuis le Studio 104 – Maison de la radio à Paris. Une conférence également diffusée en simultané dans les salles de cinéma partenaires du réseau CGR dans toute la France.

      avec l’astrophysicien Hubert Reeves, l’astrophysicien Aurélien Barrau, la psychanalyste Cynthia Fleury et la juriste Valérie Cabanes.

       

      Latitude Forum – 47 degrés Nord

      Mulhouse Mutoco – 22 novembre  – 20h- 22h : Quel Avenir pour la Terre ?

      avec Rob Hopkins, initiateur du mouvement des villes en transition et Valérie Cabanes, juriste et auteur d’Un nouveau Droit pour la Terre (Seuil, 2016)

       

       

      Ligue des Droits de l’Homme – 25e Université d’automne : écologie, justice et droits fondamentaux
      En partenariat avec les organisations de l’Affaire du siècle : Notre Affaire à tous, Oxfam, Greenpeace, Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’Homme

      Paris le 23 Novembre de 10h30-12h | Table ronde 1 : «Faut-il donner des nouveaux droits à la nature, à la Terre – pour quelle effectivité ? Quelle articulation avec les droits de l’Homme ?»

      Il s’agit de mesurer les avantages et les inconvénients de la formalisation d’une personnalité juridique pour la nature, la terre, les écosystèmes ainsi que pour des êtres vivants ou naturels pris spécifiquement. Dès lors qu’un sujet de droit non-humain est défini, quels droits lui octroie-t-on et comment sont-ils articulés avec les droits des êtres humains ? Peut-on éviter dans cette hypothèse une hiérarchisation ou une relativisation des droits de l’Homme ? À l’inverse, définir des responsabilités humaines vis-à-vis des écosystèmes suffit-il à les protéger ? Dans cette perspective, la reconnaissance d’un crime d’écocide est-elle un outil adapté ? En quoi ces instruments juridiques sont-ils efficaces sur les plans politiques et socio-économiques ?

       

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    • Nov 13thDétruire un écosystème, c’est détruire nos conditions de vie.

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    • Avr 13thAu nom de la terre, une juriste dans l’arène – France Culture

      De cause à effets, le magazine de l’environnement par Aurélie Luneau

      La Voix est libre avec Valérie Cabanes, juriste en droit international, spécialiste des droits de l’homme et du droit humanitaire, elle porte le projet de reconnaissance par la justice de l’écocide comme un crime contre la paix et les générations futures, au nom de la terre et du vivant.

       

       

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    • Déc 19thConférence en ligne: Des droits pour la nature ?

       

       

       

       

       Des droits pour la Nature ?

       Musée des Confluences

       

       

       

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    • Nov 7thDéfendre l’Amazonie face aux multinationales

      Entre 1964 et 1990, Texaco, filiale de Chevron, a déversé des millions de tonnes de déchets toxiques dans la partie amazonienne de l’Equateur. Aujourd’hui, le projet de mine baptisé la Montagne d’Or, en Guyane française, risque de conduire à une catastrophe environnementale et humanitaire. Ces deux exemples illustrent les destructions massives des écosystèmes dont sont capables les multinationales. Comment résister ? Pour répondre à cette question, le Consulat a réuni un plateau exceptionnel, le 9 octobre dernier.

      Une conférence à écouter sur SoundClound ici:
      https://soundcloud.com/gangsterreradio/foret-amazonienne-conference-09-octobre-2018

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    • Oct 5thConférences octobre/novembre 2018

       
      sur Lyon :

      – Jeudi 8 novembre au Musée des Confluences à Lyon à 19h autour de la question des droits de la nature. http://m.museedesconfluences.fr/fr/evenements/des-droits-pour-la-nature

       

      M’Hamid au Maroc :

      – Jeudi 25 – Dimanche 28 octobre au Festival Taragalte autour de L’Eau et des droits de la nature.

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      Sur Paris :

      – Samedi 6 octobre à l’IRIS, 2 bis rue Mercoeur, 11e, à 11h à la Convention: Géopolitique et réchauffement clmatique.

      CONVENTION : GÉOPOLITIQUE ET DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE

      – Dimanche 7 octobre à 9 h à la Maison de la Radio, studio 104, à l’événement Dialogues avec l’animal : https://www.dialoguesaveclanimal.org

      – Mardi 9 octobre à 19h au Consulat, 2 Rue Vercingétorix, 14e pour une soirée consacrée à l’Amazonie face aux multinationales
      http://www.amisdelaterre.org/Soiree-debat-9-octobre-2018-Defendre-l-Amazonie-face-aux-entreprises.html

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    • Juil 17thLes lois de la Nature – Conférence Arcadia

      Déforestation, acidification des océans, fonte des glaces, montée du niveau des océans, extinctions massives d’espèces animales, pollutions aussi diverses que destructrices, depuis l’avènement de l’ère industrielle, l’impact de nos activités sur l’environnement ne cesse de croître. Le développement récent de nos sociétés s’est fait sous un principe philosophique potentiellement problématique : l’homme doit dominer la Nature pour quitter l’état sauvage. Mais que faire aujourd’hui pour changer la donne ? Avons-nous des outils qui nous permettent de repenser notre relation à la Nature et plus globalement à la Terre sur laquelle nous vivons ?

      04:55 : Un peu d’histoire
      06:22 : L’ère anthropocène ?
      07:20 : Les victimes de l’anthropocène
      09:26 : Les limites planétaires
      15:35 : Une Terre inhospitalière
      27:37 : Intégrer ces limites dans le droit ?
      36:09 : Les limites de la croissance
      42:23 : Qui pollue le plus ?
      44:46 : Amener les entreprises devant les tribunaux ?
      56:19 : Des droits pour la Nature ?
      59:57 : Inverser la hiérarchie des normes juridiques.
      01:04:45 : Un mouvement déjà mondial.
      01:13:10 : Reconnaître le crime d’écocide

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    • Juil 9thReconnaitre la valeur intrinsèque de la nature

      Des écosystèmes sont reconnus comme des personnes dans de nombreux pays dans le monde. Une révolution culturelle et philosophique en germe.

      Par Valérie Cabanes

      L'arbre_de_Vie_par_Raphaël_Toussaint

      Des peuples autochtones du continent africain, préoccupés par l’état de santé détériorée de la planète et l’avenir de nos enfants, indignés par toutes les destructions que l’industrialisation fait subir à la nature et en l’absence de cadre contraignant l’activité humaine au respect des limites planétaires connues, ont proposé en 2015 une déclaration nommée : Déclaration des communautés gardiennes africaines. Cette déclaration se présente comme un appel à l’action auprès de la Commission africaine pour la reconnaissance et la protection des sites naturels et des territoires sacrés ainsi que des systèmes de gouvernance coutumiers en Afrique. L’appel, inspiré par les recommandations d’un rapport de 2012 sur le même sujet au Kenya, propose de placer la Terre comme référence ultime pour toute forme de vie ou d’activité sur la planète et de la reconnaître comme pivot du Droit.

      Partout dans le monde, ce type de revendications émergent et proviennent le plus souvent de peuples premiers, en référence à leur relation ancestrale à la terre qui fonde leur identité.  Malgré le fait que ces peuples possèdent différentes cosmologies et différents symboles, elles tirent leurs lois et leurs coutumes d’une vérité centrale considérant la Terre comme « la mère de toute forme de vie » et comme une entité légitime et ordonnée. Ces traditions révèrent leurs terres ancestrales car elles constituent la source primaire du sens de la vie et de toute identité. La connaissance et la sagesse du droit ancien sont maintenues par les ainés, des hommes et des femmes sages responsables de la pratique des rituels de la terre, de la médiation avec les ancêtres, de la transmission de leurs connaissances aux générations suivantes. Les sites naturels sacrés sont des territoires d’importance écologique, culturelle et spirituelle, intégrés dans les terres ancestrales. Pour eux, un territoire comprend les plantes, les animaux, les esprits des anciens, toute forme de vie sur terre, y compris les humains, et atteint les profondeurs de la terre, dont le sous-sol et plus loin, les roches et les minéraux ainsi que les hauteurs du ciel jusqu’aux constellations célestes. Leur rôle et leur signification leur sont irremplaçables. Ce sont des centres de connaissances et d’apprentissage intergénérationnel, et au-delà des sources de droit. Les systèmes de gouvernance coutumiers sont en effet fondés sur la relation que ces peuples entretiennent avec ces lieux. Leurs lois coutumières découlent ainsi des lois de la Terre et ils se considèrent comme garants de leur application.

      Dès lors, dans des pays comme l’Afrique du Sud, l’Éthiopie, l’Ouganda, le Kenya, le Bénin, le Ghana, le Népal, des écosystèmes comme des chutes d’eau, des rivières, des forêts, des montagnes, des lacs ont été reconnus comme des sites sacrés et ont pu être protégés de l’exploitation industrielle en leur donnant par exemple le statut de réserve de biosphère par l’Unesco. Parfois des décisions de justice ont permis de reconnaître le préjudice subi par des écosystèmes, comme en France lors de la catastrophe de l’Erika. Mieux, elles ont aussi permis de reconnaître des sites sacrés ou des écosystèmes comme des entités vivantes, comme la grande barrière de corail lors d’un procès qui s’est tenu au Belize en 2010 suite au naufrage d’un cargo.

      Mais les plus spectaculaires des décisions prises pour protéger des écosystèmes ou des sites sacrés concernent celles qui ont permis de reconnaître ces lieux comme des sujets de droit.

      L’idée de reconnaître à la nature des droits a en fait émergé dès 1972, l’année du premier sommet de la Terre. Des esprits pionniers s’inquiétaient déjà de la dégradation des écosystèmes. Le juriste Christopher Stone, soucieux de la préservation d’une forêt de séquoias menacée par un projet de la société Walt Disney, se demande par exemple si « Les arbres doivent-ils pouvoir plaider ? »[1] et propose d’accorder des droits à l’environnement naturel dans son ensemble en nommant un tuteur de l’objet naturel qui serait en outre un tuteur pour les générations futures.

      La vision de Stone a pris corps 35 ans plus tard dans des pays sud-américains, sociétés multiethniques très influencées par la pensée autochtone. En 2008, l’Equateur inscrit en premier les droits de la nature dans sa constitution[2]. Elle reconnaît la nature comme sujet de droits constitutionnels dans son article 10. Elle a en particulier le droit au respect intégral de son existence et au maintien de ses cycles vitaux et de tous les éléments qui forment un écosystème. Le principe de précaution est constitutionnalisé de façon à prévenir toute extinction d’espèces, toute destruction d’écosystèmes ou à en altérer de façon permanente ses cycles naturels (Art.73). La nature peut être représentée et défendue en justice par tout individu, communauté, peuple ou nation dans le pays (Art.71) et a un droit à la restauration (Art.72). En 2010, la Bolivie promulgue une loi intitulée « Loi des Droits de la Terre Mère»[3]. La Terre a dorénavant le droit à la vie et à la biodiversité, le droit d’être préservée de toute intervention humaine génétique ou artificielle, le droit à l’eau et à l’air pur, le droit à l’équilibre et à la restauration, le droit à être exempte de pollution, le droit à la diversité et à la non modification cellulaire ou génétique, le droit à ne pas être affectée par des projets d’infrastructure ou de développement qui pourraient perturber l’équilibre des écosystèmes ou des populations en place (article 7). Pour défendre ses droits, La Terre Mère acquiert le statut de sujet collectif d’intérêt public (article 5) et une fonction de Défenseur de la Terre Mère est créée (article 10). La nature peut ainsi se défendre en justice par représentation, « une représentation ad agendum qui permet au représentant de suppléer l’incapacité de fait ou de droit du représenté soit personne morale soit dépourvu de la capacité d’agir en justice »[4].

      Des villes commencent à légiférer elles aussi sur le sujet. En 2017, la ville de Mexico (anciennement dénommée District fédéral de Mexico)  a reconnu à son tour les droits de la nature dans sa nouvelle Constitution[5] après avoir adopté le 17 septembre 2013 (entrée en vigueur le 17 octobre 2013), un décret[6] réformant sa loi-cadre environnementale qui change le nom de la loi en « Loi sur la protection de la Terre dans le district fédéral » (article 1). La nouvelle loi considère la Terre comme un « être vivant » et donne aux citoyens le droit de déposer des plaintes contre les pollueurs directement auprès du procureur de l’environnement et de l’aménagement du territoire (article 23). Au Brésil, la municipalité de Bonito a reconnu les droits de la nature le 21 décembre 2017 dans un amendement[7] à sa loi organique. Plus surprenant, aux États Unis, trente-quatre municipalités à ce jour ont reconnu les droits de la nature dans leur législation locale, ce qui leur a permis de se défendre contre des projets industriels[8].

      Quand la nature dans son ensemble n’est pas reconnue sujet de droit, ce sont des éléments de celles-ci qui obtiennent dans d’autres pays un statut juridique par la voie judiciaire ou parlementaire. En novembre 2016, la Cour constitutionnelle colombienne a déclaré que le bassin hydrographique d’Atrato possèderait dorénavant des droits de «protection, conservation, entretien et restauration», un ordre qui n’a été dévoilé qu’en mai 2017.[9] Elle a voulu ainsi pallier l’incapacité de l’État de garantir aux populations locales un environnement sain, celui-ci étant menacé par une pollution liée à l’extraction minière illégale, en particulier d’or. Elle a proposé que soit constituée une commission des gardiens de l’Atrato, composée de représentants des communautés et du gouvernement national. Elle a ordonné qu’un comité d’experts soit créé pour conseiller ces gardiens du fleuve, afin d’élaborer un plan d’intervention global destiné à le restaurer et à le protéger. La Cour Suprême de Justice colombienne a depuis étendu ces droits à l’Amazonie colombienne dans un jugement rendu le 5 avril 2018[10] et, ce, dans le contexte du changement climatique. La Cour avait été saisie par 25 enfants et jeunes qui attaquaient, avec l’aide de l’association Dejusticia, le gouvernement colombien pour non-respect de leur droit à un environnement sain dénonçant la déforestation massive en Amazonie et ses conséquences sur le climat et leur droit à la vie.

      En Inde, là aussi pour trouver une solution à la pollution mais aussi pour forcer les autorités à répondre au défi climatique, des juges ont aussi trouvé pertinent de recourir à la personnalité juridique d’éléments de la nature. Dans l’État d’Uttarakhand, face à l’incompétence des politiques pour régler la pollution du Gange, un des dix fleuves les plus pollués au monde, la Haute-Cour a décidé le 20 mars 2017[11] de reconnaître ce fleuve comme une entité vivante, de même que son affluent, la Yamuna, puis le 30[12] mars 2017 a procédé de même pour tous les écosystèmes himalayens sur son territoire : les glaciers Gangotri et Yamunotri menacés par le changement climatique, les rivières, les ruisseaux, les lacs, les sources et les cascades et au-delà l’air, les prairies, les vallées, les jungles, les forêts. La Cour évoque leur droit intrinsèque à exister, se maintenir et régénérer leurs propres écosystèmes vitaux et à ne pas être pollués. Il est précisé dans son jugement que les droits des éléments de la nature concernés sont équivalents aux droits des êtres humains et que les atteintes à ces personnes doivent être traitées comme des préjudices causés aux personnes humaines. Elle a donné la possibilité à des personnes désignées de « parents », selon le principe de common law de Parens patriae, de parler au nom de ces écosystèmes quand ils sont menacés. La Cour a expliqué ses choix en rappelant que les générations passées nous ont légué la «Terre Mère» dans sa gloire immaculée et que nous sommes donc moralement tenus, à notre tour, de la léguer préservée aux générations suivantes. Elle a aussi attiré l’attention sur le fait que de grandes civilisations ont disparu en raison de graves sécheresses. « L’eau est l’élixir de vie et nous devons conserver et préserver chaque goutte d’eau. La valeur de l’eau ne devrait pas être compromise pour la seule raison qu’elle est encore disponible en abondance.»  Mais, il semble que les autorités politiques de l’Uttarakhand aient eu peur d’assumer leurs nouvelles responsabilités et ont donc demandé à la Cour suprême indienne de se prononcer sur la décision ; ce qu’elle a fait en juillet 2017 en affirmant qu’il était « impossible d’appliquer » ce nouveau statut juridique car cela faisait courir le risque que ces cours d’eau puissent être poursuivis en cas d’inondation ou de noyade, et qu’ainsi ses « parents » puissent en être tenus responsables. Mohammad Saleem, à l’origine de la demande ayant conduit la haute Cour de l’Uttarakhand à se prononcer, a décidé de faire appel du jugement de la Cour suprême. Même si cette décision a été contestée devant la Cour suprême, elle a probablement inspiré une résolution prise le 4 mai 2017 par l’Assemblée de l’Etat du Madhya Pradesh déclarant la rivière Narmada comme une entité vivante et affirmant que la rivière est la ligne de vie de l’État.  De même, enthousiasmé par cette jurisprudence, le gouvernement indien travaille sur une loi nationale « the national River Ganga Act» afin de doter le Gange d’une personnalité juridique à l’échelle de tout le pays[13], conscient qu’il s’agit d’une ultime solution pour lutter contre sa pollution extrême et pour permettre à 500 millions d’indiens de vivre dans un environnement plus sain. Quoiqu’il en soit, la réaction de la Cour suprême montre que le choix des représentants est loin d’être anodin entre tuteurs autochtones ou non, représentants de l’État ou encore comme l’explique Marie-Pierre Camproux Duffrene, « une association de protection de l’environnement ou encore une personne quelconque (actio popularis) pour certains intérêts collectifs ou intérêts diffus ».[14]

      L’argumentaire des juges de l’Uttarakhand s’appuyait aussi sur les liens spirituels qui unissent la population de religion hindouiste avec nombre d’entités naturelles. C’est aussi ce qui caractérise cette dimension sacrée qui est invoquée par des populations autochtones ayant eu la possibilité de reconnaître ou faire reconnaître des droits à des espaces naturels ancestraux. Elles nous montrent alors par le droit coutumier comment conjuguer droits de l’humanité et droits de la nature de par leur rapport singulier à la terre où l’homme appartient à un territoire ancestral, mais aussi où s’affirment des droits fonciers sur celui-ci de façon collective ; les droits individuels s’exprimant dans les droits collectifs du groupe. Comme l’explique par exemple, l’ethnologue Isabelle Leblic à propos de l’identité culturelle kanak en Nouvelle Calédonie: « La terre représente donc plus qu’un seul périmètre foncier. Elle définit l’identité sociale des individus par référence à un tertre fondateur et à l’itinéraire qui a conduit les ancêtres de ce lieu d’origine à l’habitat actuel. »[15] Ceci permet une double protection, celle de la nature mais aussi celle des hommes à pouvoir vivre sur une terre coutumière dont ils assurent la garde et le respect. En Nouvelle Calédonie, selon la Charte Kanak, « les terres, les ressources et l’espace naturel ainsi que les savoirs traditionnels matériels et immatériels rattachés constituent le patrimoine naturel du Peuple Kanak dont il est le garant et le dépositaire devant les générations futures »[16].  Cette perception n’a pas empêché l’adoption par la province des îles Loyauté le 6 avril 2016 d’une première phase de son Code de l’environnement, le Cepil, reconnaissant dans ses principes généraux « le principe unitaire de vie » (Art 110‐3), selon lequel « l’homme appartient à l’environnement naturel qui l’entoure et conçoit son identité dans les éléments de cet environnement naturel qui constitue le principe fondateur de la société kanak. Afin de tenir compte de cette conception de la vie et de l’organisation kanak, certains éléments de la Nature pourront se voir reconnaître une personnalité juridique dotée de droits qui leur sont propres, sous réserve des dispositions législatives et réglementaires en vigueur. »[17]. Si les Kanak se disent prêts ainsi à doter des éléments de la nature d’une personnalité juridique et de droits qui leur seraient propres, ils n’opposent pas les droits de la nature aux leurs. Au contraire, ils pensent que le droit foncier coutumier est le plus à même de protéger les éléments naturels et les clans les plus à même de représenter leurs intérêts. En 2011, la personnalité morale du clan a été reconnue par deux arrêts[18], le clan peut donc acquérir des biens, gérer des ressources ou ester en justice. Désormais c’est lui, et non pas la tribu comme pendant la période coloniale, qui est le véritable titulaire des droits dans la société kanak. L’accord de Nouméa (1998)[19] érige le droit kanak coutumier en élément central de l’identité kanak. Il recouvre le droit de la famille, le droit des personnes, le droit des contrats, le droit des terres et de tout ce qui se trouve sur les terres ; en somme tout ce que recouvre, dans le système juridique de droit commun, le droit civil.
Les litiges concernant les personnes de statut coutumier sont réglés à l’amiable par les autorités coutumières ou, en cas de conflit, par une juridiction particulière où siègent aussi des assesseurs coutumiers. Dans ce cadre unique en France où la compétence normative en droit civil a été transférée par l’État français au gouvernement de Nouvelle-Calédonie en 2013, le Sénat coutumier Kanak considère « que la personnalité juridique des clans constitue un outil juridique à même de garantir les droits relatifs à la propriété coutumière et ses démembrements. De la même manière les clans en qualité de personnes morales ont la capacité d’assurer eux-mêmes la protection des éléments naturels du foncier dont ils sont détenteurs »[20]. En cas d’engagement de procédure pour atteinte contre un « sujet » naturel à l’avenir, il faut donc bien saisir l’extraordinaire portée jurisprudentielle de ces dispositions. Cela impliquerait une nécessaire évolution du droit civil français ; tout du moins si la Nouvelle-Calédonie restait sous souveraineté française à l’issue du référendum sur la question en novembre 2018.

      En Nouvelle-Zélande aussi, les Maori ont su négocier. Le parlement Néo-Zélandais[21] a doté  la rivière Whanganui (Te Waiū-o-te-Ika) de la personnalité juridique le 10 mars 2017 par un règlement, nommé Rukutia Te Mana, entre les Ngāti Rangi (la tribu Iwi Maori et ses Hapu (clans)) et la Couronne. Cette entente lui reconnaît statutairement des valeurs intrinsèques (Ngā Toka de Te Waiū-o-Te-Ika) qui doivent dès lors être dûment prises en considération par les personnes exerçant certaines fonctions, devoirs ou pouvoirs concernant la rivière ou des activités affectant son bassin versant. L’accord reconnaît la rivière Whanganui comme une entité vivante et comme un tout indivisible, du lac du Cratère (Te Wai-a-moe) à la mer, comprenant des éléments physiques et métaphysiques donnant vie et guérison à son environnement et à ses communautés. Le règlement lui reconnaît comme constitutives de son essence quatre valeurs intrinsèques (Ngā Toka ou Te Waiū-o-Te-Ika): elle est source de vie et d’inspiration, un tout interconnecté, un don à la prospérité future des générations à venir (mokopuna), une source de nourriture et de puissance pour la terre et ses habitants. Ces derniers peuvent ainsi bénéficier physiquement, spirituellement, culturellement et économiquement de la capacité inhérente de l’eau à être un soutien à la vie. Les Iwi s’engagent en retour à s’unir dans la protection de ses intérêts propres, à la valoriser, à l’aider à se régénérer et à élever son potentiel. Le règlement stipule que la tribu peut désigner une personne – Te Punga Tupua – pour interagir avec les ministres concernés en ce qui concerne les questions relatives à la mise en œuvre de l’entente. Le règlement créera une entité fluviale, Ngā Wai Tōtā o Te Waiū, avec des membres nommés par Ngāti Rangi, d’autres iwi ayant des intérêts vis à vis de la rivière, et des autorités locales. Depuis le règlement Ngāti Rangi, un nouveau règlement a été adopté le 17 décembre 2017 au sujet du mont Taranaki, volcan d’où la rivière Wanganhui prend sa source, qui est donc maintenant lui aussi reconnu comme une entité vivante et une personne morale.  Ces ententes devraient être transposés dans la loi à l’image du règlement du 4 Juin 2013, transposé dans la loi Te Urewera du 27 juillet 2014[22] qui reconnaît un parc, le Te Urewera, territoire ancestral des Tuhoe, comme une « entité juridique » avec « tous les droits, pouvoirs, devoirs et responsabilités d’une personne morale » (art. 11 (1)). La loi précise que Te Urewera cesse d’être dévolu à la Couronne, cesse d’être une terre de la Couronne et cesse d’être un parc national (art. 12). Te Urewera est maintenant une terre en pleine propriété (même si elle est inaliénable, sauf en vertu de la loi Te Urewera, voir art. 13). Te Urewera est maintenant géré non pas par le ministère de la Conservation, mais par le nouveau conseil d’administration de Te Urewera. Ce conseil est chargé « d’agir pour et au nom de Te Urewera » (art. 17 (a)).

      Ces ententes entre la Nouvelle-Zélande et les maoris et la Nouvelle-Calédonie et les Kanak sont des exemples inspirants de prise en considération de la cosmogonie d’un peuple autochtone dans le droit positif occidental qui s’enrichit alors d’une vision du monde où les humains ne font qu’un avec leur environnement naturel et de façon transgénérationelle. L’Objet de la loi Te Urewera parle de lui-même :

      La présente loi a pour objet d’établir et de préserver à perpétuité une identité juridique et un statut protégé de Te Urewera pour sa valeur intrinsèque, ses valeurs naturelles et culturelles distinctives, l’intégrité de ces valeurs et pour son importance nationale, et notamment :

      a) renforcer et maintenir le lien entre Tūhoe et Te Urewera; et

      (b) préserver autant que possible les caractéristiques naturelles et la beauté de Te Urewera, l’intégrité de ses systèmes écologiques indigènes et de sa biodiversité, et son patrimoine historique et culturel; et

      (c) pourvoir Te Urewera comme un lieu d’utilisation publique et de plaisir, pour les loisirs, l’apprentissage et la réflexion spirituelle, et comme une source d’inspiration pour tous.

      La création de Te Urewera en tant qu’entité a aussi fourni une solution gagnant-gagnant pour la tribu et la Nouvelle-Zélande évitant d’attribuer la propriété du Parc à l’une ou l’autre et de résoudre un différent de près de 150 ans.

      Un autre cas de droit coutumier transposé en droit positif est celui d’une loi[23] votée fin 2017 par l’État de Victoria en Australie, reconnaissant juridiquement le fleuve Yarra comme une entité vivante et indivisible méritant une protection. Cette loi reconnaît également le lien intrinsèque entre les Wurundjeri et la rivière Yarra, reconnaissant les premiers comme les gardiens de la terre et de la voie navigable qu’ils appellent Birrarung.

      Si le droit coutumier ne peut pas à lui seul répondre aux défis posés par une reconnaissance des droits de la nature, il peut inspirer une nouvelle échelle de normes et redéfinir notre rapport au monde. Le Droit occidental pourrait s’en inspirer afin de reconnaître le principe d’interdépendance qui régit le cycle de la vie et ainsi reconnaître à des éléments naturels une personnalité juridique. Ce basculement normatif mais aussi philosophique concernant le droit de la nature à exister pour elle-même et à maintenir ses cycles et systèmes écologiques, dont l’atmosphère fait partie intégrante, pourrait sans doute encourager l’humanité à jouer un rôle plus protecteur vis-à-vis des autres formes de vie car il aurait la responsabilité de défendre leur valeur intrinsèque au-delà de ses intérêts immédiats. Ne devrions-nous pas retrouver le chemin d’une cohabitation harmonieuse avec les arbres, les plantes et les animaux mais aussi entre nous ?[24]

      En 2009, sous l’impulsion de la Bolivie, des négociations intergouvernementales se sont engagées au sein des Nations Unies autour du concept de vivre en harmonie avec la nature. L’Assemblée générale des Nations unies a depuis adopté 9 résolutions[25] invitant les États Membres, les organisations compétentes du système des Nations Unies et les organisations internationales et régionales à promouvoir une vie en harmonie avec la nature et à transmettre au Secrétaire général leurs vues, expériences et propositions sur cette question. Dès 2011, un dialogue interactif sur la notion d’harmonie avec la nature s’est ouvert sur la base de la résolution 70/208 et a permis de constituer une plate-forme en ligne de praticiens, d’universitaires et de chercheurs qui se consacrent à faire avancer une vision du monde centrée sur la Terre, également appelée Jurisprudence de la Terre. Ce concept a été inventé par Thomas Berry (1914-2009) qui proposait de repenser un Droit et une gouvernance centrés sur la Terre[26]. En 2016, plus de 120 experts internationaux de différents continents, totalisant 33 nationalités, ont rejoint le dialogue virtuel. Leurs disciplines englobent la physique, la biologie, l’écologie, l’économie, la sociologie, le droit, l’éthique, la spiritualité, l’anthropologie, la philosophie, la médecine, la linguistique et plus encore. Dans la note d’août 2016 du Secrétaire général, résumant les délibérations et recommandations des experts[27], il est indiqué que les lois en vigueur relatives à l’environnement « sont inefficaces en raison de leur fondement conceptuel ». « Ces lois scindent les écosystèmes en entités distinctes, une approche incompatible avec le fait qu’ils sont étroitement liés et interdépendants ». Il est proposé que la planète ne soit plus considérée « comme un objet inanimé exploitable mais comme notre foyer commun, lieu vivant dont la santé est soumise à de multiples dangers ». « Ce processus nécessite de repenser entièrement notre interaction avec la nature et d’intégrer la jurisprudence de la Terre dans la législation, l’éthique, la politique et les pratiques, en entretenant une attitude de respect et de déférence profonds envers la Terre et ses cycles naturels ».

      Replacer la nature au cœur de la pensée et au centre de nos valeurs fut aussi la grande invitation lancée par le fondateur de l’écologie profonde, le philosophe Arne Naess[28] (1912-2009). Thomas Berry, lui, proposait même que chaque composante de la communauté de la Terre dispose de trois droits : le droit à l’existence, le droit à l’habitat, et le droit de remplir son rôle dans les processus sans cesse renouvelés de la communauté de la Terre[29]. Tous deux ont largement contribué à lancer un débat international autour de la notion de « Droits de la Nature ». Une première proposition courageuse a émergé durant la Conférence mondiale des peuples sur le changement climatique et les droits de la Terre-mère qui s’est tenue à Cochabamba en Bolivie en 2010. Il y fut rédigée une « Déclaration universelle des droits de la Terre », devenue l’objet d’une pétition qui vise le million de signatures. Puis en 2012, lors de sa réunion quadriennale, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), a adopté une résolution[30] recommandant l’intégration des «Droits de la Nature» à «tous les niveaux et dans tous les domaines d’intervention», créant une «stratégie de diffusion, de communication et de défense des droits de la nature». Elle appuie aussi le développement et la promotion d’une Déclaration Universelle des Droits de la Nature comme un « premier pas vers la réconciliation entre les êtres humains et la Terre comme base de nos vies, ainsi que les fondements d’un nouveau pacte civilisateur ».

      En France, le débat autour de la personnalité juridique de la nature est lancé depuis 2011 par des juristes comme Marie-Angèle Hermitte, directrice de recherche au CNRS, qui a écrit un article intitulé « La nature, sujet de droit ? »[31]. Elle se dit favorable à cette révolution juridique car « cela remplirait a minima deux fonctions. Il s’agirait, sur le plan symbolique, de réaffirmer la spécificité du contenu des droits de la personne humaine, seule dans ces droits-là, tout en mettant en face d’elle des sujets non humains, ce qui viendrait marquer la réintégration de l’humanité dans le monde vivant ». Elle nous rappelle alors à notre condition première : « Nous ne sommes pas de purs esprits flottant dans un espace vide, mais des êtres de chair et de sang dépendant de l’air, de l’eau, de la terre, de l’énergie, et partageant le monde avec d’autres êtres ».

       

       


      [1] Christopher Stone, Tristan Lefort-Martine (Traducteur), Catherine Larrère (Préfacier), Les Arbres doivent-ils pouvoir plaider ?, Lyon, Le passager clandestin, 2017 (réedition de C. Stone, «Should Trees Have Standing ? Toward legal rights for Natural Objects », Southern California Law Review, 1972)

      [2] Constitución
 de la República del Ecuador, Publicada en el Registro Oficial No. 449 20 de octubre de 2008, consultable en anglais : http://pdba.georgetown.edu/Constitutions/Ecuador/english08.html

      [3] Gaceta oficial del estado plurinational de Bolivia, Ley de los derechos de la madre tierra (071) de 21 diciembre 2010 : https://bolivia.infoleyes.com/norma/2689/ley-de-derechos-de-la-madre-tierra-071

      [4] Marie-Pierre Camproux Duffrene, « La représentation de l’environnement devant le juge : approches comparative et prospective », VertigO – la revue électronique en sciences de l’environnement [En ligne], Hors-série 22 | septembre 2015

      [5] Ciudad de Mexico, Gaceta oficial del Distrito Federal, Constitución Política de la Ciudad de México de 5 de Febrero de 2017, No.1

      [6] Ciudad de Mexico, Gaceta oficial del Distrito Federal, Decreto de 17 de Septiembre de 2013, No. 1692

      [7] Pernambuco , 08 de Março de 2018, Diário Oficial dos Municípios do Estado de Pernambuco, ANO IX | No 2034, Emenda à Lei Orgânica no 01/2017, Art. 1o – O art. 236 da Lei Orgânica do Município do Bonito/PE

      [8] David R. Boyd, The Rights of Nature: A Legal Revolution That Could Save the World, ECW Press, Canada, 5

      [9] Republica de Colombia, Corte constitutional -Sala Sexta de Revisión-T-622 de 2016, Referencia: Expediente T-5.016.242, Bogotá, D.C., diez (10) de noviembre de dos mil dieciséis (2016).

      [10] Republica de Colombia, Corte suprema de Justicia, STC 4360 – 2018, Radicacion n.° 11001-22-03-000-2018-00319-01, Bogotá, D.C., cinco (5) de abril de dos mil dieciocho (2018).

      [11] In the High Court of Uttarakhand at Nainital Writ Petition (PIL) No.126 of 2014, Mohd. Salim Versus
State of Uttarakhand & others, Dated: March 20, 2017

      [12] In the High Court of Uttarakhand at Nainital, In Writ Petition (PIL) No.140 of 2015 Lalit Miglani Versus State of Uttarakhand & others, Dated: March 30, 2017

      [13] https://www.thebetterindia.com/103101/ganga-act-2017-river-conservation-india-environment/

      [14] Marie-Pierre Camproux Duffrene, « La représentation de l’environnement devant le juge : approches comparative et prospective », VertigO – la revue électronique en sciences de l’environnement [En ligne], Hors-série 22 | septembre 2015

      [15] Isabelle Leblic, « Aux fondements de l’identité culturelle kanak, les représentations du foncier », 1991 http://docplayer.fr/32862338-Au-fondement-de-l-identite-culturelle-kanak-les-representations-du-foncier-1-isabelle-leblic-ethnologue-cnrs-lacito.html

      [16] Charte Kanak proclamée le 26 avril 2014 à KOWE-KARA.

      [17] Délibération n° 2016-13/API du 6 avril 2016 portant adoption du Code de l’environnement de la province des îles Loyauté, Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie, 23 juin 2016, p. 5941

      [18] Cour d’appel de Nouméa chambre civile, RG10-531, arrêt du 22 aout 2011 et RG 10-532, arrêt du 22 août 2011

      [19] Accord sur la Nouvelle-Calédonie signé à Nouméa le 5 mai 1998, JORF n°121 du 27 mai 1998, page 8039

      [20] Délibération du Sénat coutumier portant avis relatif aux premiers projets de règlementation du code de l’environnement de la province des Îles du 31 juillet 2015.

      [21] Deed of settlement between the Crown and Ngati Rangi, 20 march 2017 : https://www.govt.nz/treaty-settlement-documents/ngati-rangi/

      [22] Te Urewera Act 2014, Public Act 2014 No 51, 27 Juillet 2014, consultable en ligne : http://www.legislation.govt.nz/act/public/2014/0051/latest/whole.html

      [23] Yarra River Protection (Wilip-gin Birrarung murron) Act 2017, No. 49 of 2017

      [24] Argumentaire développé dans l’ouvrage de l’auteure : Homo Natura, en harmonie avec le vivant, Buchet-Chastel, 2017.

      [25] Résolutions : A/RES/72/223, A/RES/71/232, A/RES/70/208, A/RES/69/224, A/RES/68/216, A/RES/67/214, A/RES/66/204, A/RES/65/164, A/RES/64/196

      [26] Thomas Berry, The Great Work: Our Way into the Future, Broadway Books, reprint edition 2000, p.6

      [27] Note du Secrétaire général, Harmonie avec la nature, 1er Aout 2016, A/71/266

      [28] A. Naess, Une écosophie pour la vie : introduction à l’écologie profonde, Seuil, 2017.

      [29] T. Berry, Evening thoughts, Counterpoint, 2015, p. 10-11.

      [30] World Conservation Congress “Incorporation of the Rights of Nature as the organizational focal point in IUCN’s decision-making” (IUCN, WCC-2012-Res-100, Septembre 2012).

      [31] M.-A. Hermitte, « La nature, sujet de droit ? », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 66, n. 1, 2011, pp. 173-212.

       

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