Reporterre – Tribune du 9 juillet 2018
Le 20 juin dernier, Nicolas Hulot a annoncé, que dans le cadre de la réforme constitutionnelle souhaitée par Emmanuel Macron, et après débat et réflexion autour d’une réécriture de l’Article 1er de la Constitution qui définit les principes fondamentaux de la République, le gouvernement se disait prêt à y inscrire l’obligation d’agir contre les changements climatiques et pour la préservation de la biodiversité (et non dans l’article 34, comme initialement prévu, NDLR).
Ce serait une avancée certaine si le climat et la biodiversité devenaient des valeurs aussi fondamentales que l’égalité ou la liberté, la dignité ou le bien-être, car en effet aujourd’hui les droits fondamentaux humains ne peuvent plus être garantis sans que les systèmes écologiques de la Terre dont nous dépendons pour respirer, boire, manger, nous soigner soient préservés. Inscrire des principes écologiques à l’Article 1 de la Constitution, d’autant plus quand ils ne l’ont pas été, comme pour le climat, dans la Charte de l’environnement de 2004, permettrait de s’opposer à des lois votées par les gouvernements successifs qui iraient à l’encontre des objectifs visés par l’Article 1er. Il s’agirait de saisir le Conseil constitutionnel pour qu’il vérifie la conformité des lois à la Constitution ou d’empêcher leur promulgation, via la question prioritaire de constitutionnalité qui peut être enclenchée par tout citoyen. Ainsi nous pourrions beaucoup plus facilement empêcher toute velléité de tolérer ou autoriser des projets industriels polluants, dévastateurs de la faune et de la flore ou émetteurs de gaz à effet de serre.
Rattacher nos modes de gouvernance à la réalité biologique du monde
Mais pour que cet Article 1er soit véritablement contraignant et donc efficace, il y manque encore plusieurs points essentiels. Nicolas Hulot a proposé sans obtenir de consensus au sein du gouvernement d’y inscrire le principe de finitude des ressources par exemple. Il serait aussi nécessaire de choisir des verbes plus engageants que celui d’« agir » en adoptant celui de « garantir ». Mais au-delà nous manquons surtout d’une vision écosystémique qui rattacherait nos modes de gouvernance à la réalité biologique du monde.
C’est la proposition bien plus ambitieuse portée depuis fin 2017 par plusieurs ONGs telles que Notre affaire à Tous et la Fondation pour la Nature et l’homme, et rejointes en mars 2018 par Climates, le Refedd, Warn et une vingtaine d’autres autour d’ un appel citoyen pour une Constitution écologique. Ces dernières demandent de poser dans la Constitution l’obligation de la République de respecter le cadre des limites planétaires telles que définies dès 2009, par une équipe internationale de 26 chercheurs, menés par Johan Rockström du Stockholm Resilience Center et Will Steffen de l’Université nationale australienne. Elle a identifié neuf processus et systèmes régulant la stabilité et la résilience du système terrestre – les interactions de la terre, de l’océan, de l’atmosphère et du vivant qui, ensemble, fournissent les conditions d’existence dont dépendent nos sociétés. Pour chacun de ces processus ou systèmes, des valeurs seuils ont été définies, des limites qui ne doivent pas être dépassées si l’humanité veut pouvoir se développer dans un écosystème sûr, c’est-à-dire évitant les modifications brutales et difficilement prévisibles de l’environnement planétaire. Par exemple la concentration de CO2 dans l’atmosphère ne doit pas dépasser 350 ppm, le taux de disparition d’espèces ne doit pas excéder 10 espèces par million et par année. Or nous sommes à 411 ppm de CO2 en 2018, un cap jamais atteint depuis des millions d’années, et connaissons un taux d’extinction annuel 100 fois plus élevé que ce qui est tolérable, constituant un anéantissement biologique.
Les limites planétaires identifiées par l’équipe de Rockström.
L’équipe de Steffen et Rockström confirme que nous avons déjà dépassé ces deux « limites fondamentales » à la sûreté de la planète que sont le changement climatique et l’intégrité de la biosphère. L’équipe de Steffen et Rockström met aussi en garde sur le fait que depuis 2015 d’autres limites sont franchies. Il s’agit du changement d’usage des sols et de la modification des cycles biogéochimiques (phosphore et azote). Le dernier rapport en date sur le sujet, celui de l’Atlas Mondial de la Désertification publié le jeudi 21 juin, confirme la gravité de cette situation. Le seuil des 75 % de terres endommagées par l’humanité a été atteint à travers le monde et pourrait concerner 90 % des sols d’ici 2050, augmentant considérablement le nombre de personnes déjà poussées à l’exode par le changement climatique et la pénurie d’eau en cours. Les déplacés se compteront par centaines de millions dans 30 ans, et pourraient atteindre le chiffre de 10 milliards entre aujourd’hui et 2100.
Les limites de la planète, un nouveau cadre contraignant
Nous touchons ici au cœur de la dynamique des limites planétaires et de leur utilité. Transgresser une limite planétaire augmente les chances de se rapprocher d’autres limites, comme l’usage de l’eau douce mais aussi l’acidification des océans, la déplétion de la couche d’ozone, le trop plein d’aérosols atmosphériques, la pollution chimique (plus largement l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère), nous entraînant dans une spirale destructrice à laquelle l’humanité ne pourra échapper dans de nombreuses régions du monde, y compris dans les pays riches. C’est pourquoi le cadre des limites planétaires dans leur ensemble doit constituer un nouveau cadre contraignant et protecteur de nos droits et a toute sa place au sein de notre Constitution de sorte que nous puissions nous prémunir de l’insouciance industrielle.
Il faut s’attendre à une levée de boucliers face à cette idée qui fâche certains, car elle menace la liberté d’entreprendre et au-delà la foi aveugle de beaucoup de nos dirigeants politiques et économiques dans le dogme de la croissance. Si l’on ne s’appuie pas aujourd’hui sur des données scientifiques, si l’on ne norme pas les seuils chiffrés qui nous indiquent où est la frontière entre notre zone de confort et la zone de danger, nous prenons chaque jour un peu plus de risques pour nous et les générations suivantes. A cet attelage, doit d’ailleurs être attaché un dernier verrou de sécurité : le principe de non-régression environnementale. En effet, il ne doit pas être permis aux gouvernements suivants de pouvoir défaire tout cadre protecteur de l’écosystème terrestre et de nos droits tel que définis dans le bloc de constitutionnalité (Constitution, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, préambule de la Constitution de 1946, Charte de l’environnement de 2004) car il ne peut plus être toléré qu’une génération assujettisse les générations futures à des lois moins protectrices que celles en vigueur.
Valérie Cabanes
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CO2 mon amour, l’émission qui rapproche les hommes en nous rapprochant de la nature…
Par Denis Cheissoux
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Intervention à télécharger/écouter via player
Emission complète en replay:
by admin with no comments yetLe 5 juin 2018 – Hôtel de Ville de Metz
Echanges croisés avec Ernst Zürcher, ingénieur forestier, professeur spécialiste de la structure temporelle des arbres, intervenant du film « l’intelligence des arbres » et auteur du livre « Les arbres, entre visible et invisible » chez Acte Sud. Conférence proposée par l’institut européen d’écologie, en partenariat avec « la voix de l’Arbre » et le collectif « Foret du Val de Metz »
Les arbres sont à la mode, un coup d’oeil en librairie suffit à le prouver. Mais au-delà d’une tendance, pourquoi fascinent-ils les sociétés post-industrielles ? Que nous apprennent les dernières découvertes scientifiques de leurs prodiges ? Ce hors-série cherche à comprendre ce regain d’intérêt après plusieurs décennies marquées par les coupes et la déforestation partout dans le monde. Des spécialistes, mais aussi des acteurs de terrain, expliquent pourquoi les arbres sont indispensables à la vie sur terre. Ils indiquent des pistes pour protéger ces lanceurs d’alerte ; nos meilleurs alliés pour préserver la santé de la planète et sa beauté.
by admin with no comments yetC’est un phénomène mondial ! Face à l’inaction des politiques pour enrayer les changements climatiques : un recours prend de l’ampleur et il est juridique. Des familles et des municipalités portent désormais plainte contre des Etats et des multinationales.
Invités :
– Marie Toussaint, fondatrice de l’association Notre affaire à tous
– Valérie Cabanes, juriste internationale
– Maurice Freschet, lavandiculteur français, plaignant
– Daniel Noonan, porte-parole de l’association Our Children’s Trust.
Zoom sur la 15ème édition du Forum international de la météo et du climat et son colloque Financer la transition vers une société bas carbone avec Anne Girault, directrice de l’agence parisienne du climat et Benoît Leguet, directeur général d’I4CE.
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– 1er Juin – Annonay 20h – La Bio dans les étoiles – Nourrir la Terre
http://www.labiodanslesetoiles.com/infos-pratiques/
– 4 juin – Choisy Le Roi / Bar de la marine 19h30 – Université populaire d’Ecologie – La Nature a aussi des droits
– 5 juin – Metz /Hotel de Ville 19h- Institut européen d’écologie avec Ernst Zurcher – En harmonie avec la nature, les leçons de l’arbre
http://evenements.developpement-durable.gouv.fr/campagnes/evenement/10096
– 9 juin – Paris / CNAM 16h – Colloque transition énergétique et humanisme – L’énergie et la Vie
– 12 juillet – 18h Webinar – Accorder des droits à la nature
http://therightsofnature.org/webinar/
– 21 juillet – Eco-dialogue Festival de Thau 18h30 – Retrouver une relation pacifiée avec la nature
https://eco-dialogues.fr/invites/valerie-cabannes/
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A noter le 22 mai 2018 à 19h au studio 104:
Franceinfo organise « Sous les pavés 2018 », un évènement autour des nouveaux combats de l’émancipation et des libertés, au studio 104 de la Maison de la radio où j’interviendrai en compagnie d’Irène Frachon, entre autres. Réservations sur maisondelaradio.fr
by admin with no comments yetIl faut en effet élargir le débat constitutionnel à l’ensemble des paramètres environnementaux – pertes de biodiversité, acidification des océans, aérosols atmosphériques, pollution chimique, etc. –, et pas seulement le climat.
LE MONDE | |
Les signataires de cette tribune sont : Dominique Bourg (philosophe et président du conseil scientifique la Fondation pour la nature et l’homme/FNH), Valérie Cabanes (juriste de droit international), Marie-Anne Cohendet (constitutionnaliste et membre du conseil scientifique de la FNH), Bastien François (constitutionnaliste), Jean Jouzel (climatologue et membre du conseil scientifique de la FNH), Valérie Masson-Delmotte (climatologue), Marie-Antoinette Mélières (climatologue et membre du conseil scientifique de la FNH).
Tribune. Emmanuel Macron souhaite-t-il devenir « le leader de la transition écologique » sur la scène internationale ? Si telle est sa volonté, il va falloir faire de la France un modèle et passer à l’action. Le droit est alors un outil incontournable. Vu l’état de la planète qui continue de se dégrader à un rythme inquiétant, comme le rappelaient encore récemment 15 364 scientifiques, issus de 184 pays dans une tribune (« Il sera bientôt trop tard pour dévier de notre trajectoire vouée à l’échec, et le temps presse », Le Monde, 14 novembre), on ne pourra se passer d’une évolution du droit. Pour accélérer la transition écologique, il conviendra de modifier la Constitution et la façon de produire les lois : traiter les problèmes de façon cloisonnée et en conséquence concevoir les lois isolément les unes des autres, est un gage d’inefficacité environnementale.
Lire aussi : Quinze mille scientifiques alertent sur l’état de la planète
Prétendre protéger le climat sans se soucier du marché de l’énergie, de l’urbanisme, des subventions aux énergies fossiles, etc., est le plus sûr moyen de ne pas atteindre le résultat qu’on s’est fixé. La nature est systémique. Ni l’organisation de l’économie, ni la production des lois ne peuvent l’ignorer impunément. En raison des ambitions du président de la République, il est donc permis d’espérer que la révision constitutionnelle prévue pour 2018 permettra un renforcement opératoire de la protection de l’environnement, et au premier chef du climat.
Mais sous quelle forme renforcer la protection de l’environnement, et notamment du climat, dans la Constitution ? Faut-il ne parler que du climat ? Mais quid alors du caractère systémique des difficultés ? En outre, ce serait assez mal avisé, l’année d’une importante conférence mondiale sur la biodiversité (COP), de ne pas la prendre en compte.
L’introduction du climat seul dans la Constitution pourrait en outre nourrir des effets pervers. Par exemple, c’est au nom du climat, et du climat considéré isolément, que la pêche électrique avait été autorisée de façon dérogatoire aux Pays-Bas, alors qu’elle est interdite dans le monde entier. L’argument était que les chaluts électriques, plus légers et ne raclant pas les fonds, exigent une consommation moindre de carburant, et sont ainsi plus favorables au climat. Cette pratique n’en est pas moins catastrophique pour la biodiversité marine, déjà grandement fragilisée ; raison pour laquelle la Chine l’a prohibée en 2000. Le parlement européen a fini par l’interdire totalement le 16 janvier.
Lire aussi : La Constitution pourrait intégrer le défi climatique
Ne considérer que la baisse des rejets de gaz à effet de serre, à l’exclusion des autres dimensions environnementales, pourrait déboucher sur des options très néfastes pour l’environnement. Cela équivaudrait à ne pas prendre en compte les implications d’éventuelles stratégies d’action en matière de santé publique ou de biodiversité. Ce serait susceptible d’encourager, autre exemple, la motorisation diesel, moins émettrice de gaz à effet de serre que les moteurs à essence, alors même que l’utilisation du diesel a des conséquences environnementales et sanitaires délétères (la pollution de l’air aux particules fines est responsable de plusieurs dizaines de milliers de morts chaque année en France).
Le même raisonnement pourrait valoir pour l’énergie nucléaire ou la géo-ingénierie. D’ailleurs les prochains rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) auront une approche beaucoup plus intégrée que le seul angle « climat » et considéreront, dans leur cadrage, les perspectives des trois grandes conventions (climat, biodiversité et désertification) ainsi que les différentes dimensions du développement durable et des objectifs 2030.
D’où, on le constate, l’importance de bien faire apparaître le climat comme un des paramètres – même s’il est essentiel – d’un environnement sain et équilibré. Les autres paramètres sont tout aussi importants, ils sont énumérés par la littérature scientifique internationale par l’expression « limites planétaires ».
Lire aussi : Haute mer : « On ne veut pas transformer les océans en aquarium »
Il s’agit, outre le changement climatique, des pertes de biodiversité, des perturbations globales du cycle de l’azote et du phosphore, de l’usage des sols, de l’acidification des océans, de la déplétion de la couche d’ozone, des aérosols atmosphériques, de l’usage de l’eau douce et de la pollution chimique.
Ne respecter que le seul paramètre du climat, au détriment des autres, ne peut que conduire à s’éloigner de l’objectif souhaité. Cela tient au caractère systémique de la nature. Le propre des systèmes naturels est en effet l’interdépendance de leurs composants. La chose est connue depuis des lustres même si on n’en a tenu guère compte politiquement à ce jour.
On ne saurait agir sur un composant sans prendre en considération les effets induits sur les autres. L’ONU s’est d’ailleurs récemment inquiétée des effets sanitaires de certaines actions climatiques. Introduire l’ignorance de l’interdépendance des paramètres environnementaux en n’en constitutionnalisant qu’un seul, ne constituerait pas une avancée, mais un lourd recul environnemental.
La disparition des mangroves ne peut par exemple que rendre plus destructrice la montée du niveau des mers. Plus généralement, une planète avec des écosystèmes équilibrés résistera d’autant mieux au changement climatique, et des écosystèmes en berne ne peuvent à l’inverse qu’accroître les effets délétères du changement climatique… On ne saurait agir en faveur du climat en détruisant la biodiversité, et vice-versa.
Lire aussi : Le Parlement européen demande l’interdiction de la pêche électrique
Que faire alors ? Il est impératif d’adopter la vision systémique et interdépendante de l’écologie en hissant au niveau des normes constitutionnelles l’ensemble des paramètres d’un environnement équilibré. Il n’est pas souhaitable de réviser la Charte de l’environnement, qui fait partie du préambule de la Constitution et qui fait l’objet d’une application très progressive et modérée. Il serait beaucoup plus simple, plus clair et plus significatif de compléter l’article premier de notre Constitution, qui évoque les grands principes de notre République.
Nous pourrions ainsi imaginer l’ajout suivant à l’actuel article 1 de la Constitution : « La République veille à un usage économe et équitable des ressources. Elle garantit aux générations présentes et futures un environnement sain et sûr en veillant au respect des limites planétaires, à savoir les grands équilibres interdépendants qui conditionnent l’habitabilité de la Terre. »
Un tel article contraindrait à éclairer les grands projets de loi d’études d’impact plus solides et efficaces et conduirait en particulier le législateur à enfin prendre en compte le caractère systémique des phénomènes naturels.
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Le Temps – Un article de Eric Tariant
Publié vendredi 23 février 2018
repris dans Le Devoir le 5 mars 2018
La sauvegarde de l’habitabilité de la terre viendra-t-elle d’un nouveau cadre juridique? Depuis quelques années, la reconnaissance des droits de la nature permet à des fleuves, à des montagnes et autres glaciers de plaider eux-mêmes leur cause par l’intermédiaire de leurs représentants.
«L’eau est sacrée, l’eau est la vie et doit être protégée pour tous». Ce slogan, les Sioux de Standing Rock, dans le Dakota du Nord, n’ont cessé de le marteler pendant les longs mois, d’août 2016 à fin février 2017, pendant lesquels ils se sont opposés au passage de l’oléoduc Dakota Access sur leurs terres sacrées pour protéger leur eau potable.
Après le démantèlement du camp par le président Donald Trump en mars 2017, deux ONG représentant les intérêts des communautés menacées ont porté plainte devant des tribunaux fédéraux pour ordonner le respect des lois environnementales. Aux Etats-Unis comme ailleurs dans le monde, les peuples autochtones ont souvent été à la pointe de la mobilisation contre l’extractivisme et ses pollutions environnementales, les premiers à s’opposer à des infrastructures pétrolières et autres projets miniers ou hydroélectriques qui fragilisent les écosystèmes.
Les premiers aussi à lutter pour que des droits soient accordés aux fleuves, aux arbres et autres montagnes pour mieux les protéger. Et l’année 2017 restera sans doute dans les mémoires comme celle de la montée en puissance des droits de la nature. Des exemples? En mars, le parlement néo-zélandais a reconnu, dans une loi, la rivière Whanganui comme une entité vivante et indivisible. Des gardiens – un représentant de l’Etat et le peuple maori Iwi – ont été nommés pour défendre ses intérêts et la représenter en justice.
En mai, en Colombie, la Cour constitutionnelle a décidé de donner des droits à un cours d’eau, le fleuve Atrato. En septembre, le fleuve Colorado, aux Etats-Unis, a saisi lui-même la justice de l’Etat pour demander à être reconnu comme personnalité juridique. En décembre dernier, en Nouvelle-Zélande, le mont Taranaki, considéré par les populations autochtones comme un ancêtre, un membre de la famille, s’est vu, à son tour, reconnaître ces mêmes droits. C’est l’aboutissement «d’une bataille de 170 ans menée par le peuple maori», insiste, sur le site naturerights.com, Marine Calmet, juriste française spécialisée dans le droit de l’environnement
« Nos sociétés prétendument évoluées doivent réapprendre, en s’inspirant d’eux, à vivre en paix avec le vivant, à ne plus vouloir le dominer »
En avril 2017, c’est l’Inde qui a, à son tour, défrayé la chronique. La Haute Cour de l’Etat d’Uttarakhand a reconnu le Gange ainsi que son affluent, la rivière Yamuna, comme des personnes vivantes. Il en, va de même, souligne-t-elle, de tous les écosystèmes himalayens situés sur son territoire: glaciers, rivières, ruisseaux, lacs, sources, cascades, prairies, vallées et jungles. La Cour a pris soin de nommer comme «parents» de ces écosystèmes des personnalités locales chargées d’assurer leur protection. «Les peuples premiers savent ce que nous avons longtemps oublié: la terre nous est vitale et son destin préfigure le nôtre, souligne Valérie Cabanes, juriste en droit international spécialisée dans les droits de l’homme. Leur sagesse leur a permis de vivre pendant des millénaires en harmonie avec la nature. Nos sociétés prétendument évoluées doivent réapprendre, en s’inspirant d’eux, à vivre en paix avec le vivant, à ne plus vouloir le dominer», poursuit cette Française qui œuvre pour une reconnaissance universelle des droits de la nature et du crime d’écocide.
Que faire quand la déforestation s’accélère, que les glaciers fondent à un rythme beaucoup plus soutenu que ne le pensaient jusqu’alors les scientifiques et que les océans se réchauffent à vitesse grand V? Quand les droits humains fondamentaux – droit à l’eau, à l’alimentation, à la santé – risquent de ne plus être garantis et que l’instinct de survie collectif de l’espèce humaine tarde à se réveiller? Ces questions, le juriste et professeur de droit américain Christopher Stone, se les étaient posées il y a plus de quarante ans.
Lire la suite de l’article sur : https://www.letemps.ch/societe/justice-nature-veut-reprendre-droits
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Les scientifiques ont identifié 9 processus et systèmes déterminants pour rendre la terre compatible avec la vie humaine. 9 « limites planétaires » à respecter absolument que la Fondation pour la Nature et l’ Homme propose d’intégrer dans la Constitution à l’occasion de la réforme constitutionnelle qui s’annonce. J’ai collaboré en décembre 2017 avec les équipes de la FNH pour préparer cet argumentaire, consultable dans son intégralité dans ce PDF limites_planetaires
Le projet d’intégrer le respect des limites planétaires dans la constitution s’inscrit dans une dynamique mondiale visant à appréhender l’interdépendance des enjeux environnementaux. Pour ce faire, Ban Ki-moon évoque dès l’Assemblée générale de 2011 les limites planétaires comme outil de mesure scientifique. S’adressant aux dirigeants du monde, il déclare « Aidez-nous à défendre la science qui montre que nous déstabilisons notre climat et dépassons les limites planétaires à un degré périlleux ». Le Panel de haut niveau de l’ONU sur la viabilité du développement mondial (UN High-Panel Level on Sustainability) inclut la notion de limites planétaires (planetary boundaries) dans son texte de présentation (2012). Le « Rapport sur l’Etat de l’environnement » de l’Agence européenne pour l’environnement rendu en 2010 hisse les limites planétaires au rang de « priorité environnementale ». La Commission européenne exploite ce concept en 2011 afin de définir ses objectifs : « D’ici à 2050, l’économie de l’UE aura crû de façon à respecter les contraintes de ressources et les limites planétaires ».
Nous proposons d’ajouter à l’Article 1 de la Constitution française : « La République veille à un usage économe et équitable des ressources. Elle garantit aux générations présentes et futures un environnement sain et sûr en veillant au respect des limites planétaires, à savoir les grands équilibres interdépendants qui conditionnent l’habitabilité de la Terre ».
Le travail n’est pas fini car d’autres propositions constitutionnelles vont être portées par un collectif d’ONGs dont Notre affaire à tous.
La notion des limites planétaires relève d’une démarche scientifique. Neuf processus et systèmes régulent la stabilité et la résilience du système terrestre – les interactions de la terre, de l’océan, de l’atmosphère et de la vie qui, ensemble, fournissent les conditions d’existence dont dépendent nos sociétés. Des seuils à ne pas dépasser sont définis pour chacun d’entre eux sous peine de perdre la stabilité du système et donc l’hospitalité de la Terre :
Pour ma part, je propose que ces seuils soient chiffrés et inscrits dans la loi pour que l’instruction judiciaire puisse s’appuyer sur ces données scientifiques établies par le Stockolm Resilience Center. Des valeurs seuils ont été définies pour sept d’entre elles. Lorsqu’une limite ne peut donner lieu à un seuil chiffré sur le plan global, cela reste possible sur un plan régional ou donner lieu à la définition de seuils par composants, par exemple par polluant :
1 Le changement climatique :
2 L’érosion de la biodiversité: le taux d’extinction « normal » des espèces doit rester inférieur à 10 espèces par an sur un million.
3 Les apports d’azote et de phosphore à la biosphère et aux océans (résultant notamment de l’agriculture et de l’élevage intensifs) :
4 Le changement d’usage des sols : Pourcentage de la couverture terrestre mondiale convertie en terres cultivées = ≤ 15% de la surface terrestre libre de glace convertie en terres cultivées.
5 L’acidification des océans : Concentration en ions carbonates par rapport à l’état moyen de saturation de l’aragonite dans les eaux de surface des océans (Ωarag) = ≥ 80% par rapport à l’état de saturation moyen préindustriel, y compris la variabilité saisonnière naturelle et saisonnière.
6 L’appauvrissement de l’ozone stratosphérique : Concentration d’O3 stratosphérique, DU = <5% de réduction par rapport au niveau préindustriel de 290 UA.
7 L’usage de l’eau douce : Consommation d’eau bleue / km3 / an sur Terre = < 4,000 km3/an
8 La dispersion d’aérosols atmosphériques : Concentration globale de particules dans l’atmosphère, sur une base régionale.
9 La pollution chimique (composés radioactifs, métaux lourds, composés organiques synthétiques tels que pesticides, produits et sous-produits chimiques industriels à longue durée de vie et migrant dans les sols et l’eau parfois sur de très longues distances), y compris l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère comme les nanoparticules et molécules de synthèse.
Les limites planétaires sont l’outil qui permettrait à terme de reconnaître le crime d’écocide dans le droit pénal français.
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