Conférence proposée par le Festival Terre & Lettres 2017.
Comment faire évoluer le droit international aujourd’hui impuissant et faire reconnaître le crime d’Ecocide comme crime premier, celui qui ruine les conditions mêmes d’habitabilité de la Terre.
Conférence de Valérie Cabanes, juriste, spécialisée dans le droit international humanitaire et les droits humains.
Organisé par etika et ATTAC Luxembourg avec le soutien de Altrimenti.
Si les catastrophes liées au dérèglement climatique ou les désastres environnementaux majeurs sont repris par la presse, il est rarement fait mention de la question juridique liée à la protection de la nature.
C’est une lacune du droit international : aucune sanction n’est prévue pour ceux qui menacent les systèmes écologiques dont nous dépendons tous pour vivre et rien ne permet de protéger les droits des générations à venir.
Il nous faut pouvoir défendre en justice l’intérêt des écosystèmes à exister et à se maintenir car c’est ainsi que nous préserverons la dignité de l’humanité.
Pour cela, il faut redéfinir les valeurs pivots de notre système juridique afin d’affirmer nos liens d’interdépendance avec les autres formes de vie et permettre que puissent être jugées les atteintes les plus graves contre l’écosystème terrestre commises par des Etats ou des entreprises afin de préserver l’habitabilité et la sûreté de la planète.
Il devrait donc être envisagé d’élargir la palette des crimes internationaux les plus graves en reconnaissant un cinquième crime contre la paix et la sécurité de l’humanité : le crime d’écocide.
Ces principes permettent de considérer la nature comme un sujet de Droit plutôt que comme un objet.
Cela remet en cause notre conception de la place de l’humanité par rapport à la nature. Car il ne saurait y avoir de Droits Humains pour les générations actuelles et futures à bénéficier d’un environnement sain et viable sans la reconnaissance des droits de la nature. Ainsi pourraient émerger de nouveaux modèles de gouvernance mondiaux.
Présentation de l’oratrice :
Valérie Cabanes est juriste, spécialisée dans le droit international humanitaire et les droits humains.
Elle défend la reconnaissance juridique du crime d’écocide depuis 2013 au sein du mouvement citoyen mondial End Ecocide on Earth.
L’écocide, c’est la destruction de l’écosystème Terre par l’homme. Elle est auteur d’ « Un nouveau Droit pour la Terre, pour en finir avec l’écocide » (Seuil 2016).
Elle a participé à la rédaction de l’ouvrage collectif « Des droits pour la nature » aux éditions Utopia. Cet ouvrage a été salué par la presse :
[Ce livre] rassemble les contributions très éclairantes de 17 spécialistes, militant.es de cette cause, venues de pays et d’horizons disciplinaires variés. Jean Gadrey, Alternatives économiques
« Le livre de Valérie Cabanes est un livre de combat. Un combat juridique et existentiel, à la fois au long cours et face à l’urgence. »
Préface de Dominique Bourg
Ce livre est un appel à une réforme du droit international pour assurer la protection de la planète. L’auteur préconise notamment la reconnaissance d’une nouvelle catégorie de crime, l’écocide.
Présentation
Peuples et sociétés sont dépossédés de leurs moyens d’existence à travers le monde par la destruction de leur environnement. Face à cet écocide, comment repenser les droits de l’homme ?
L’écocide (le fait de détruire la « Maison Terre ») n’est pas un crime de plus, s’ajoutant à toutes les autres atteintes aux droits humains. Il est désormais le crime premier, celui qui ruine les conditions mêmes d’habitabilité de la Terre. D’ores et déjà, les dérèglements en cours attisent injustices et tensions géopolitiques tandis que ceux qui saccagent la planète restent impunis.
Aussi est-il urgent de revendiquer de nouvelles formes de responsabilité et de solidarité. Urgent de redéfinir un nouveau sens et de nouveaux cadres à l’action humaine au sein des limites planétaires. Le droit international doit se métamorphoser et s’universaliser autour d’une nouvelle valeur pivot, l’écosystème Terre, en reconnaissant un cinquième crime international, le «crime d’écocide ».
Après un premier constat du lien étroit homme-nature, les auteurs proposent, afin que chacun ait le droit de vivre dans un environnement sain, de définir le vivant dans son ensemble comme sujet de droit. Avec l’écriture de la déclaration universelle des droits de la Terre Mère, les légistes militent pour la reconnaissance du crime d’écocide.
Caractéristiques
Titre
Des droits pour la nature
Date de sortie
12/09/2016
Je signe la préface du livre, puis l’introduction avec Christophe Bonneuil, je développe les avancées de notre droit à un environnement sain dans le chapitre 3 puis je présente dans le chapitre suivant le crime d’écocide.
Un Blog du même nom sur Le Monde.fr est aussi en ligne ici
Journalistes, militants, gendarmes et juristes: une contre-attaque en mouvement
Cette semaine d’ « Histoire Vivante » est consacrée à l’histoire des crimes commis contre l’environnement. Parole aux personnes et aux activistes qui luttent pour la protection de nos écosystèmes.
Dans cet épisode, rencontre avec Valérie Cabanes juriste, militante et porte-parole de lʹAssociation « End Ecocide On Earth ».
En parallèle de la COP21 s’est tenue, du 4 au 5 décembre 2015, la troisième édition du Tribunal international des droits de la nature. À la barre : des peuples indigènes, des experts et des personnalités, défenseurs du caractère sacré de la Terre. Gouvernements et entreprises ont été jugés par contumace. Compte rendu d’audience.
À l’initiative de l’association GARN (Global Alliance for Rights of Nature) le Tribunal international des droits de la nature a pour volonté d’instaurer un cadre juridique international pour protéger les écosystèmes et de qualifier toute enfreinte à la Déclaration universelle des droits de la Terre comme un crime d’écocide.
Dans cette optique, elle a organisé la troisième édition de ce tribunal, qui s’est déroulée à la maison des Métallos, à Paris, un ancien haut lieu d’actions politiques de résistance. C’est dans ces murs que près de 65 plaignants, de 32 nationalités et 7 langues différentes, ont plaidé pour une justice environnementale.
Rituel naturel
Pour replacer la Terre au centre des débats, des cérémonies chamaniques inaugurent le procès.
Casey Camp-Horinek, militante des droits des peuples autochtones et environnementaliste, et trois autres femmes du peuple Ponca (Oklahoma, États-Unis) saluent les quatre directions. Ce rituel est effectué pour relier entre-elles toutes les personnes de la salle, pour prendre conscience du moment présent et pour invoquer de la bienveillance. Elles rendent hommage aux quatre points cardinaux, puis au Haut et Bas. Elles effectuent ce rituel en faisant brûler de l’encens au parfum d’aiguilles de pin.
Casey Camp-Horinek prend ensuite la parole devant un auditoire de près de 250 personnes : « Je vous vois, je reconnais vos esprits. Nous ressentons tous de la peine. Il est temps pour l’humanité de se remettre en question, de faire des efforts. En ce moment, nous ne méritons peut-être pas d’être sur Terre. Nous essayons de dominer alors que la planète est sacrée et qu’elle prend soin de nous. La Terre-Mère est généreuse ; elle est toujours avec nous. Mais nous oublions cela. Nous sommes là pour nous rappeler de son existence, pour évoquer ses droits et pour prôner sa défense, dans une voie positive. C’est peut-être le moment pour l’humanité de ne former qu’un, de s’apercevoir que toute forme de vie possède un esprit. Oui, c’est une bonne chose que nous soyons là ce matin. »
Plaidoiries
Après ces rituels, le tribunal entre en session. Les plaignants, de José Bové au chef Kayapo (Brésil) Raoni Metuktire, tiennent un discours poétique sur la planète. Ils parlent d’une « Terre vivante », d’un « organisme vivant » et d’une « Terre-Mère ». Les cours d’eau, forêts, sols et êtres vivants sont décrits comme sacrés et animés d’esprits.
Et, quand vient le moment de dénoncer les crimes perpétrés contre la nature, les critiques sont acérées. Les plaintes portent sur les énergies fossiles, la déforestation, la privatisation et la pollution de l’eau, les accords de libre-échange, le nucléaire, les mines d’extraction, la financiarisation de la nature, l’expulsion de populations de leurs terres, etc. Les plaignants évoquent alors une nature « bafouée et exploitée », une planète « en crise » et un « état d’urgence climatique ». Toutes les personnes venant à la barre pointent du doigt l’irresponsabilité des gouvernements et des entreprises.
Pablo Solón (Bolivie, Fundación Solón) dénonce « la folie du capital et du pouvoir ». David Kureeba (Ouganda, Global Forest Coalition and Friends of the Earth) demande aux gouvernements d’arrêter de vendre des concessions aux entreprises et de laisser les communautés locales reprendre le pouvoir de décider. Maxime Combes (France, Attac) suggère de « supprimer l’article 3.5 de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique qui sacralise le commerce international, aux dépens de mesures écoresponsables ». Il qualifie ensuite les industries fossiles – privées et publiques – « d’ennemies no 1 de la nature et d’adversaires de l’humanité ». S’appuyant sur des études, il demande de laisser au moins 80 % des énergies fossiles dans le sol. Desmond D’sa (Afrique du Sud, SDCEA) parle d’une industrie pétrochimique ayant une « soif du gain » et considérant la Terre comme « un jouet ». Sous des applaudissements nourris, il affirme que « le temps de se rassembler, de ne faire qu’un, est venu ».
Maude Barlow (Canada, The Council of Canadians) parle d’une « eau trop exploitée et polluée » et clame qu’elle ne doit plus être considérée « comme un bien marchand », mais comme « un cadeau divin ». Tony Clark (Canada, Polaris Institute) regrette que la nature soit considérée comme du « capital » et un « organisme mort ».
Sentences
À l’issue des deux jours de plaidoiries, les juges font part de leurs délibérés. La première de leurs recommandations est de faire en sorte que le Statut de Rome (adopté en 1998 par 120 États, fut le préalable à la constitution de la Cour pénale internationale – CPI) rende possible la poursuite des responsables de crimes d’écocide devant la CPI (officiellement entrée en fonction en 2002, elle a le pouvoir de juger les crimes internationaux : contre l’humanité, de guerre et les génocides).
Le gouvernement équatorien est tenu responsable des actes de criminalisation de défenseurs de la nature. Le tribunal a condamné les chantiers des barrages du Belo Monte et du Tapajós. Les juges ont déclaré que le cas Chevron (déversement de milliards de litres de pétrole à ciel ouvert, en Equateur et au Brésil) « est l’un des pires cas d’écocides jamais perpétrés en Amazonie » et qu’une « justice restauratrice doit être appliquée sans délais ». D’autres cas ont été « ouverts » et seront traités lors de la prochaine édition du Tribunal international des droits de la nature (il se tiendra au Maroc ou à La Haye).
Les 1er et 2 décembre 2015, dans le cadre de la COP21 et du « Sommet de l’Alliance des Gardiens de Mère Nature », j’ai eu l’immense plaisir de modérer deux tables rondes riches en émotions à la mairie du VIe arrondissement de Paris.
Le sommet de l’Alliance des Gardiens de Mère Nature a pour but de rassembler les représentants autochtones et défenseurs de l’environnement pour aborder, du point de vue des populations les plus fragiles et affectées les thématiques liées aux changements climatiques et à la dégradation des éléments naturels.
L’Alliance des Gardiens de Mère Nature jette les bases d’un nouveau rassemblement favorisant la convergence des luttes.
Vidéo du lancement officiel de l’Alliance
Vous pouvez aussi visionner la conférence « de l’éthnocide à l’écocide « sur ce site.
Intervenants de la table ronde :
– Cacique Raoni Metuktire, peuple Kayapó, Brésil
– Kanato Yawalapiti, peuple Yawalapiti, Brésil
– Felicio Pontes, procureur du MPF (Ministère Public Fédéral), Brésil
Un grand, très grand moment durant la COP21 que l’organisation de ce tribunal des peuples pour témoigner et statuer sur des cas emblématiques de violations des droits de la nature et/ou d’écocides.
À la barre : des peuples indigènes, des experts et des personnalités, défenseurs du caractère sacré de la Terre.Près de 65 plaignants, de 32 nationalités et 7 langues différentes, ont plaidé pour une justice environnementale. Gouvernements et entreprises ont été jugés par contumace.
Le Tribunal propose une alternative systémique à la protection environnementale, en reconnaissant aux écosystèmes leurs droits à l’existence, au maintien, à la préservation et à la régénération et que ces droits puissent être revendiqués en Justice.
Il s’attache aussi à offrir une voix aux peuples autochtones afin qu’ils partagent avec la communauté mondiale leurs préoccupations et leurs solutions singulières concernant la terre, l’eau, l’air et la culture.
Pendant deux journées entières, le tribunal a formulé des jugements et recommandations dans une perspective de protection et de restauration de la Terre en se fondant sur la Déclaration Universelle des Droits de la Terre Mère (DUDTM). Cette déclaration définit entre autres les devoirs incombant à l’humanité afin de respecter l’intégrité des cycles écologiques vitaux de la planète. De ce fait, la Déclaration promeut la proposition d’amendements au Statut de la Cour Pénale Internationale permettant la reconnaissance du crime d’écocide. Certains cas ont donc aussi été jugés comme crimes d’Ecocide.