Le Monde.fr | 16.07.2013 à 17h46 |
Par Dominique Bourg (Philosophe), Valérie Cabanes (Juriste en droit international), Philippe Desbrosses (Philosophe et agroécologiste), Jean Gadrey (économiste), Susan George (Ecrivain), Dominique Méda (Philosophe et sociologue), Georges Menahem (Sociologue et économiste), Edgar Morin (sociologue et philosophe), René Passet (Economiste), Jean-Marie Pelt (Biologiste), Pierre Rabhi (Philosophe et agriculteur), Jacques Testart (Biologiste) et Patrick Viveret (Philosophe).
Aujourd’hui le droit à un environnement sain, dont les ressources devraient être prélevées de façon équitable et pérenne, doit être reconnu comme un droit inaliénable de l’humanité car il conditionne son droit à l’eau, à l’alimentation, à l’habitat, à la santé, au respect de ses traditions, son droit à la vie tout simplement et son droit à la paix. Mais ce droit est indissociable de droits donnés à la nature elle-même afin de protéger efficacement les écosystèmes terrestres dont nous dépendons tous.
Ces droits sont revendiqués aujourd’hui par des milliers de citoyens qui se sont mobilisés dans 22 pays européens autour d’une initiative citoyenne européenne. Ils appellent à soutenir un projet de directive européenne, initié par des citoyens pour des citoyens, afin de reconnaître une responsabilité pénale à ceux qui décident d’activités dangereuses pour les écosystèmes. Ils demandent la reconnaissance d’un crime, celui d’écocide.
Ce projet a été soumis à la Commission européenne et son adoption par le parlement européen donnerait enfin les moyens de discipliner les comportements des multinationales et des Etats qui les abritent ou les soutiennent. En effet, l’échec des négociations à Rio, et l’impunité dont bénéficient les dirigeants du monde face aux catastrophes écologiques et aux conséquences mondiales liées au dérèglement climatique obligent à imaginer une législation plus contraignante.
Pour mettre un terme à la destruction de nos écosystèmes et garantir la paix et l’avenir des générations futures, il faut pouvoir s’attaquer aux donneurs d’ordres et non pas seulement aux sociétés qui commettent des crimes environnementaux, il nous faut faire sauter les verrous de la législation actuelle et court-circuiter la pression des lobbies exercée sur nos représentants politiques.
De tels progrès de la gouvernance du monde sont nécessaires. Ils sont possibles et prolongent le mouvement qui a vu la naissance de l’ONU en 1945 et la mise en place de la Cour pénale internationale à partir de 2002. Les moyens institutionnels de l’Europe étant plus avancés, une initiative citoyenne européenne, outil de démocratie participative directe créé par le Traité de Lisbonne, a pu être lancée en janvier 2013 pour demander l’interdiction des écocides. Elle déclare : Nous invitons la Commission européenne à adopter une directive permettant d’interdire, d’empêcher et de prévenir l’écocide, à savoir l’endommagement important, la destruction ou la perte d’écosystèmes d’un territoire donné. Ses objectifs sont :
criminaliser l’écocide et s’assurer que les personnes physiques et morales puissent être reconnues responsables d’écocide, en prenant en compte le principe de la responsabilité des supérieurs hiérarchiques ;
interdire et empêcher tout écocide sur les territoires européens ou le domaine maritime relevant de la législation européenne, ainsi que tout écocide provoqué par des ressortissants européens, personnes physiques ou morales, en dehors de l’Europe ;
prévoir une période de transition pour permettre la mise en place d’une économie durable.
L’adoption d’une directive criminalisant l’écocide permettrait, au sein de chaque état membre qui la transposerait, de limiter sinon d’arrêter les destructions graves de la nature en mettant en accusation les responsables physiques des atteintes graves à l’environnement. Elle mettrait aussi en cause la responsabilité d’acteurs complices d’écocides, à savoir les sociétés d’études qui en valident les projets, ou les institutions financières qui les financent. Et elle interdirait d’importation tout produit issu d’un écocide afin d’éviter la délocalisation des entreprises qui chercheraient à contourner la loi.
Si l’initiative « Arrêtons l’écocide en Europe – Donnons des droits à la Terre » recueille un million de signatures d’ici le 21 janvier 2014 dans un minimum de sept pays européens, la Commission européenne sera tenue d’examiner ce projet de directive et invitée à faire une proposition d’acte juridique en ce sens. Si la Commission accepte de le faire, cette proposition devra être adoptée par le législateur pour acquérir force de loi. L’application d’un tel texte pourrait imposer la transition écologique dont nous avons besoin, en premier lieu en Europe, puis ensuite dans le monde.
Ainsi des moyens juridiques pourraient être mobilisés afin de permettre d’adapter les sources et les consommations d’énergie aux possibilités de notre planète. Ainsi la crainte de la loi et de ses sanctions pourrait induire une responsabilisation des multinationales et des Etats, régulation indispensable pour garantir des conditions de vie dignes aux générations futures, en Europe et dans le monde entier.
by admin with no comments yetFORUM MONDIAL DES DROITS DE L’HOMME
Extrait de Conférence : la protection de l’environnement comme Droit de l’Homme
« Au nom du droit à la vie, l’homme a nécessairement le droit à un environnement sain. Au nom du droit à la paix, l’homme a nécessairement le droit à une gestion équitable et durable des ressources. Au nom du droit au développement, l’homme a nécessairement le droit à un environnement protégé.
Mais je pose la question : comment en est-on arrivé à dissocier l’humain et son environnement, par quelle prétention croyons-nous que l’environnement est une option ? N’est ce pas la raison même qui a conduit l’humanité à construire son développement sur l’exploitation effrénée des ressources terrestres ? Comment peut-on regarder en spectateur la chute vertigineuse de la biodiversité planétaire sans sentir intimement qu’elle nous entraîne avec elle ? Comment constater l’effondrement des écosystèmes sans se souvenir que le maillage de la vie inclut l’humain dans sa chaîne ? Comment avons-nous pu oublier si fondamentalement ce que les populations autochtones du monde n’ont jamais renié : à savoir que nous appartenons à la terre et non l’inverse ?
Aujourd’hui la protection de l’environnement n’est plus seulement un droit de l’homme, c’est un droit qui devrait être accordé à la nature elle-même et un devoir qui devrait être imposé à l’humanité pour préserver la paix et les générations futures.
Ce devoir est bafoué par un système industriel déconnecté de la réalité scientifique concernant l’importance primordiale des écosystèmes pour maintenir la vie sur terre … Pour mettre un terme à la destruction de nos écosystèmes et garantir la paix et l’avenir des générations futures, il faut pouvoir s’attaquer aux donneurs d’ordres et non pas seulement aux sociétés qui commettent des crimes environnementaux, il nous faut faire sauter les verrous de la législation actuelle et court-circuiter la pression des lobbies exercée sur nos représentants politiques… Avec une loi Ecocide, il s’agira de protéger le droit à la vie des humains mais aussi des autres êtres vivants. Il s’agira de reconnaître un droit humain à l’environnement mais aussi des droits à la nature en tant que telle. » Nantes, le 23 mai 2013
by admin with no comments yetL’initiative citoyenne européenne « End Ecocide in Europe »
« Arrêtons l’Ecocide en Europe, donnons des Droits à la Terre » est lancée depuis le 22 janvier 2013.
Nous sommes, à l’origine, 9 citoyens européens de France, d’Allemagne, d’Autriche, d’Angleterre, d’Espagne, Du Portugal, d’Estonie, de Grèce, de Suède soucieux de la dégradation des écosystèmes et insatisfaits de la législation internationale en place pour les protéger. Nous nous sommes emparés d’un outil démocratique européen « L’initiative citoyenne européenne » qui permet de proposer, de citoyens à députés, des propositions de lois au Parlement européenne.
Nous invitons la Commission Européenne à adopter une loi permettant d’interdire, d’empêcher et de prévenir l’Ecocide, à savoir l’endommagement important, la destruction ou la perte d’écosystèmes d’un territoire donné.
Principaux objectifs:
1. Criminaliser l’Ecocide et s’assurer que les personnes physiques et morales puissent être reconnues responsables d’Ecocide, en prenant en compte le principe de la responsabilité des supérieurs hiérarchiques.
2. Interdire et empêcher tout Ecocide sur les territoires européens ou le domaine maritime relevant de la législation européenne, ainsi que tout Ecocide provoqué par des ressortissants européens, personnes physiques ou morales, en dehors de l’Europe.
3. Prévoir une période de transition pour permettre la mise en place d’une économie durable.
Le projet de loi est consultable en ligne
Pour obtenir que le Parlement européen étudie notre proposition de loi, il nous faut réunir dans un minimum de sept pays un million de signatures de soutien en un an.
Pour cela, nous avons ouvert :
un site web
une page Facebook
un compte twitter
Trois députés européens ont accepté de parrainer le lancement de l’initiative le 22 janvier. Eva Joly, Keith Tatlor et Jo Leinen ont apporté devant les caméras les trois premières signatures de soutien à ce projet d’acte législatif courageux.
Depuis, Philippe Desbrosses,co-auteur avec Olivier de Schutter (rapporteur des Nations unies sur le droit à l’alimentation) et Edgar Morin d’un Manifeste pour un retour à la terre (Editions Dangles, 2012), a rejoint le mouvement. Il estime que « Devant le constat des institutions défaillantes, il semble qu’il n’y ait pas d’autres voies qu’une mobilisation, à la base, de la société civile pour sauvegarder les ressources vitales de la planète et notre avenir commun ».
Engagé avec moi dans la création d’un tribunal international de la nature, il salue l’initiative de « End ecocide in Europe ». Il y voit le même but que celui du tribunal citoyen pour lequel il milite : poursuivre « les crimes contre l’environnement », assimilables aujourd’hui aux « crimes contre l’humanité ».
by admin with 3 commentsPourquoi créer un Tribunal – de conscience – de la Nature ? :
Un tel Tribunal a une importance pédagogique primordiale car il vise à prouver que les citoyens n’acceptent plus la stratégie des gouvernements et des entreprises du « laisser-faire ».
Il va permettre en outre d’informer et de soutenir des initiatives en cours visant à créer de nouvelles normes en droit international et européen qui permettraient d’interdire, d’empêcher et de prévenir l’Ecocide, à savoir les dommages massifs, la destruction partielle ou totale d’écosystèmes sur un territoire donné.
A cette fin, il est nécessaire aujourd’hui de rendre responsable, selon le principe de supérieur hiérarchique, tout dirigeant d’entreprise ou de gouvernement impliqué dans la commission d’un crime d’Ecocide et de ne plus se contenter d’inculper seulement des personnes morales.
Le premier projet de loi est proposé à l’ONU et vise à amender le Statut de Rome, texte fondateur de la Cour Pénale Internationale, afin que le crime d’Ecocide soit reconnu 5ème crime contre la Paix. Le second projet de loi est porté par une initiative citoyenne européenne qui propose au Parlement européen un projet de Directive sur le crime d’Ecocide, largement inspiré du projet international. Ces textes ont une visée dissuasive et ont l’ambition d’encourager une transition énergétique plus rapide en favorisant l’innovation et les investissements vers une économie verte.
Cette synergie d’actions menées à travers le monde démontre que la conscience collective est prête à reconnaître d’une part le rôle holistique de la Nature et d’autre part, la responsabilité que porte l’humain dans sa préservation, condition de sa propre pérennité sur Terre.
http://www.sos-21.com/tribunal-nature.html
by admin with 2 commentsNous, citoyens d’Europe, profondément concernés par le futur de notre planète, invitons la Commission Européenne à adopter une loi permettant d’interdire, d’empêcher et de prévenir l’Ecocide, à savoir les dommages massifs, la destruction partielle ou totale d’un ou de plusieurs écosystèmes sur un territoire donné :
Il a été proposé d’élever l’Ecocide au rang de crime international : d’en faire le 5e crime contre la Paix. Un amendement au Statut de Rome a été soumis à la commission des lois de l’ONU. [1]
Un projet de loi sur l’Ecocide a été publié[2] qui pose le principe d’une législation nationale.
Le projet de directive sur l’Ecocide (ci-joint) reflète le contenu de la loi initialement proposée, en dessinant le cadre régional nécessaire à son adoption.
La directive sur l’Ecocide prévoit tous les outils pertinents pour criminaliser les dommages massifs, la destruction partielle ou totale d’un écosystème sur un territoire donné.
Le document de travail « L’Ecocide doit devenir le 5e crime contre la Paix» (ci-joint) publié par le Consortium des Droits de l’Homme, L’Ecole des hautes études et l’Université de Londres[3], prouve que l’idée de considérer l’Ecocide comme un crime international est dans l’esprit de la communauté internationale depuis plus d’une décennie et s’est construit sur des traités, des statuts et des directives européennes déjà existante.
Le site web de l’Initiative où vous pourrez voter en ligne dès le 22 janvier 2013 pour que le Parlement européen étudie le projet de loi. http://endecocide.eu/
[1] L’Ecocide a été défini par Polly Higgins comme la destruction partielle ou totale d’un écosystème sur un territoire donné, les dommages massifs générés par l’action humaine ou toute autre cause, ayant pour résultat d’empêcher les habitants du territoire concerné d’en jouir en toute quiétude. Soumis à la commission des lois de l’ONU en mars 2010 (proposé comme amendement au Statut de Rome).
[2] Higgins, P., (2012). Earth is our Business. Shepheard Walwyn (London).
[3] Short, D. et al. (2012). Ecocide is the Missing 5th Crime Against Peace. The Human Rights Consortium, School of advanced studies, University of London.