Le 12 décembre 2019, une proposition de loi pénale a été débattue à l’Assemblée nationale. Elle visait à contrer la menace pesant sur l’habitabilité de notre planète en s’appuyant sur le cadre contraignant de ses limites.
par Valérie Cabanes Juriste, porte-parole d’End Ecocide on Earth et co fondatrice de Notre Affaire à Tous et Marie Toussaint Juriste, cofondatrice de Notre affaire à tous et députée européenne EELV.
Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, a déclaré lors d’une conférence de presse tenue la veille de l’ouverture de la conférence des Nations unies sur le climat (COP 25) : « Nous devons mettre fin à notre guerre contre la nature et la science nous dit que nous pouvons le faire. » Mais faute d’accord international contraignant pour réguler les activités industrielles et, en particulier, abandonner l’usage des combustibles fossiles, le dérèglement climatique s’emballe et la biodiversité s’effondre, menaçant la paix et la sécurité humaine. Dans un rapport sur les trajectoires des émissions de gaz à effet de serre rendu public mardi 26 novembre, les experts du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) disent s’attendre à une hausse de près de 3,4 °C à 3,9 °C de la température du globe d’ici à la fin du siècle, « ce qui entraînera des impacts climatiques vastes et destructeurs ». Les experts en appellent donc à « des transformations sociétales et économiques majeures ».
En France, le dernier rapport sur l’état de l’environnement, publié par le ministère de la Transition écologique et solidaire en octobre, faisait l’aveu que la France avait dépassé six des neuf limites planétaires (processus et systèmes régulant la stabilité et la résilience du système terrestre), dont deux (concernant le changement climatique et l’érosion de la biodiversité) sont fondamentales. Le franchissement de ces limites conduit la planète vers un état auquel nul n’est préparé, mettant en danger toute la toile du vivant. Ne serait-il pas temps de reconnaître que notre système économique global constitue une menace pour l’habitabilité de la Terre ? Ne devrait-on pas questionner l’impunité dont bénéficient nos dirigeants politiques et économiques face à l’écocide en cours, la destruction de notre maison commune ?
C’est pourquoi les associations Nature Rights, Notre affaire à tous et Wild Legal appellent à un sursaut politique dépassant les intérêts partisans en prévision du vote en séance publique qui se tiendra le 12 décembre à l’Assemblée nationale. Ce jour-là sera débattue une proposition de loi pénale pour la reconnaissance du crime d’écocide déposée par le député Christophe Bouillon (PS). Ce dernier a accepté de retravailler son texte selon les conseils des trois associations, qui plaident depuis des années pour la reconnaissance de ce crime. Il présentera une définition de l’écocide qui s’appuie sur le cadre contraignant des limites planétaires : « Constitue un écocide toute action délibérée tendant à causer directement des dommages étendus, durables, irréversibles ou irréparables à un écosystème ou ayant un impact grave sur le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, les cycles de l’azote et du phosphore et leurs apports à la biosphère et aux océans, l’usage des sols, la déplétion de la couche d’ozone, l’acidification des océans, la dispersion des aérosols atmosphériques, l’usage de l’eau douce ou la pollution chimique, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées. »
En effet, quel dirigeant économique ou politique peut aujourd’hui nier les conséquences sur le climat ou la biosphère de ses activités ? Et pourtant, le rapport Carbon Majors Report de 2017rappelle que depuis 1988, année où a été mis en place le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), les entreprises censées à ce moment-là être au courant des effets de leurs activités sur l’environnement n’ont pas freiné leur développement et ont peu investi dans les énergies propres. Au contraire, elles ont commencé à investir dans des énergies non conventionnelles telles que les sables bitumineux ou le pétrole de schiste, ayant un fort impact sur l’environnement.
Nous semblons oublier que nos droits fondamentaux sont interdépendants du droit de la nature à exister. Il nous faut nous donner les moyens de sanctionner pénalement les atteintes les plus graves faites au vivant. La reconnaissance d’un crime contre notre maison commune ne doit pas être vécue comme une contrainte, mais comme le moyen de protéger nos droits et ceux des générations futures.
Quatre conférences les 20, 21, 22 et 23 novembre 2019
autour du Droit à l’Eau, des droits de la nature, du Droit à la gouvernance locale, des droits humains
pour penser le monde de DEMAIN.
France Libertés – Prix Danièle Mitterand 20 Novembre 16h30-18h La Bellevilloise Paris
Cérémonie de remise du Prix Danielle Mitterrand au défenseur chilien Rodrigo Mundaca très investi pour le droit à l’eau. Puis Discussion avec Rodrigo Munduca, Jérémie Chomette et Valérie Cabanes : « la métamorphose de notre monde, par notre rapport à la nature ».
Conférence France Inter – Demain notre planète : Changer
Le jeudi 21 novembre, de 20h à 22h depuis le Studio 104 – Maison de la radio à Paris. Une conférence également diffusée en simultané dans les salles de cinéma partenaires du réseau CGR dans toute la France.
avec l’astrophysicien Hubert Reeves, l’astrophysicien Aurélien Barrau, la psychanalyste Cynthia Fleury et la juriste Valérie Cabanes.
Mulhouse Mutoco – 22 novembre – 20h- 22h : Quel Avenir pour la Terre ?
avec Rob Hopkins, initiateur du mouvement des villes en transition et Valérie Cabanes, juriste et auteur d’Un nouveau Droit pour la Terre (Seuil, 2016)
Paris le 23 Novembre de 10h30-12h | Table ronde 1 : «Faut-il donner des nouveaux droits à la nature, à la Terre – pour quelle effectivité ? Quelle articulation avec les droits de l’Homme ?»
Il s’agit de mesurer les avantages et les inconvénients de la formalisation d’une personnalité juridique pour la nature, la terre, les écosystèmes ainsi que pour des êtres vivants ou naturels pris spécifiquement. Dès lors qu’un sujet de droit non-humain est défini, quels droits lui octroie-t-on et comment sont-ils articulés avec les droits des êtres humains ? Peut-on éviter dans cette hypothèse une hiérarchisation ou une relativisation des droits de l’Homme ? À l’inverse, définir des responsabilités humaines vis-à-vis des écosystèmes suffit-il à les protéger ? Dans cette perspective, la reconnaissance d’un crime d’écocide est-elle un outil adapté ? En quoi ces instruments juridiques sont-ils efficaces sur les plans politiques et socio-économiques ?
Nous ne savons plus vivre en harmonie avec la nature, mais l’humanité ne pourra survivre isolée du reste du vivant. Pour retrouver le chemin d’une cohabitation harmonieuse avec les arbres, les plantes et les animaux mais aussi entre nous, nous devons réapprendre, à l’image des peuples premiers, notre rôle de gardiens. Cette démarche impose enfin de reconnaître que la nature a le droit d’exister et de se régénérer. C’est ainsi que nous pourrons garantir aux générations futures le droit à vivre dans un environnement sain et pérenne.
L’émission complète en replay:
Valérie Cabanes est juriste en Droit International spécialisée dans les Droits de l’Homme, porte-parole du mouvement citoyen « End Ecocide on Earth ». Elle est aussi présidente d’honneur de Notre Affaire à Tous, à l’initiative de l’Affaire du siècle.
Prochaines conférences auxquelles je participe en octobre 2019 ( Quimperlé, Rabat, Casablanca)
50 ans d’Eau et Rivières de BretagneQuels droits pour l’Eau ?
Quimperlé le 27 octobre à 14h
Pour la première fois en France, deux représentants néo-zélandais, viendront parler de leur bataille pour la reconnaissance juridique de leur fleuve sacré. Depuis 2017, le Whanganui est une entité vivante sujet de droit.
Cette législation est une reconnaissance de la connexion profondément spirituelle entre l’iwi [la tribu] Whanganui et son fleuve ancestral. Nancy Tuaine et Jacob Robinson viendront nous livrer leur expérience et nous donner à réfléchir.
Quatre autres conférenciers participeront à la conférence et aux échanges avec la salle :
💦 Riccardo Petrella est politologue et économiste italien, secrétaire général du Comité international pour un contrat mondial de l’eau.
🌳 Valérie Cabanes est juriste en droit international spécialisée dans les droits de l’homme, écologiste et essayiste.
🐝Fabrice Nicolino est journaliste à Charlie Hebdo et écrivain. Il est à l’initiative du mouvement « Nous voulons des coquelicots ».
🐟 Jean-Claude Pierre est écrivain militant, fondateur d’Eau et Rivières de Bretagne et de Nature et Culture.
Nuit des philosophes 2019 – « La terre en partage et partager la terre » 8 novembre Rabat – Université des sciences 9 novembre 22h Casablanca – Institut Français
Conférence France Inter : Demain, notre planète : changer
Jeudi 21 novembre 2019 de 20h à 22h
Conférence animée par Mathieu Vidard en direct du studio 104 de la Maison de la Radio et dans 150 salles de cinéma
France Inter vous propose une première conférence le 21 novembre 2019 autour du thème Changer.Animée par Mathieu Vidard, producteur de La Terre au carré, nous tenterons de répondre aux questions que l’on se pose : Comment se mettre en mouvement pour engager une transition durable ? Comment changer nos modes de vie et rêver le monde de demain ? Épuisement des ressources. Dérèglement climatique. Effondrement de la biodiversité. De la prise de conscience à l’engagement…Deux heures pour faire le tour des avancées écologiques avec des experts et spécialistes du secteur :
Hubert Reeves : Astrophysicien, écologiste, président d’honneur de l’association Humanité et Biodiversité et de l’Agence française pour la biodiversité
Aurélien Barrau : Astrophysicien, lanceur d’alerte, auteur de Le plus grand défi de l’histoire de l’humanité (Ed. Michel Lafon)
Cynthia Fleury : Philosophe et psychanalyste, elle a dirigé l’ouvrage _Le souci de la nature. Apprendre, inventer, gouverner (_Ed. du CNRS)
Valérie Cabanes : Juriste en Droit International spécialisée dans les Droits de l’Homme, porte-parole du mouvement citoyen « End Ecocide on Earth », auteure de Homo natura, En harmonie avec le vivant (Ed. Buchet Chastel)
► La conférence sera diffusée en direct dans les salles de cinéma partenaires et depuis le studio 104 de la Maison de la Radio :retrouvez la liste des cinémas ici
La Voix est libre avec Valérie Cabanes, juriste en droit international, spécialiste des droits de l’homme et du droit humanitaire, elle porte le projet de reconnaissance par la justice de l’écocide comme un crime contre la paix et les générations futures, au nom de la terre et du vivant.
« Quand le politique n’est plus à même de protéger la planète, il faut se tourner vers les juges ».
Co-fondatrice de l’ONG Notre affaire à tous qui attaque l’État français en justice pour inaction climatique, Valérie Cabanes nous éclaire sur le rôle potentiel d’un juriste dans le cadre de la transition écologique.
La juriste Valérie Cabanes, spécialisée dans les droits de l’homme et le droit humanitaire, combat pour faire reconnaître l’écocide, ou crime contre l’environnement.
Propos recueillis par Frédéric JoignotPublié le 04 janvier 2019 à 13h00 – Mis à jour le 05 janvier 2019 à 16h02
Extrait:
Vous demandez qu’on accorde un statut de personnalité juridique à des entités naturelles. Pourquoi ?
Aujourd’hui, le droit manque d’une vision écosystémique et il ne reconnaît les préjudices écologiques – quand il les reconnaît – qu’après le désastre. Il nous faut absolument adopter une posture préventive. Or, c’est ce que permet l’attribution d’une personnalité juridique à la nature. Celle-ci peut alors défendre son droit « fondamental » – donc non conditionné à des devoirs – à exister, se régénérer et s’épanouir, indépendamment des services qu’elle rend ou pas aux humains. Ce qui, au final, permet aux espèces et écosystèmes vivants de jouer leur rôle dans le maintien de la vie sur Terre.
Certains pays ont-ils commencé à faire évoluer leur droit dans ce sens ?
En Nouvelle-Zélande, l’accord trouvé à propos du statut de la rivière Whanganui entre la tribu maorie locale et le gouvernement a permis de reconnaître l’unité indivisible du fleuve et son statut d’être vivant (appelé « Te Awa Tupua »), en englobant tous ses éléments physiques et métaphysiques depuis les montagnes jusqu’à la mer. Mais aussi de lui attribuer une personnalité juridique. Il faut retenir de cette jurisprudence la volonté affichée, par des populations autochtones ou par des juges soucieux de l’avenir des générations présentes et futures, de mieux préserver l’environnement en reconnaissant la nature comme sujet de droit. Car aucun des droits fondamentaux de l’homme ne pourra être garanti si les écosystèmes dont nous dépendons ne sont pas protégés pour leur valeur intrinsèque.