Extrait d’un article de Claire Chartier, publié le
dans L’Express
« L’âme du monde »
On sent, dans ce juste retour des choses, un besoin de continuité et d’unité, la nostalgie d’une vision cosmologique des temps anciens, où palpitait en chaque élément « l’âme du monde » aristotélicienne. Une vision à l’unisson des spiritualités orientales, dont la vogue persistante illustre la soif d’harmonie de notre époque blessée. Même les plantes nous « parlent », désormais. Il faudrait être aveugle ou méditant du désert pour ne pas avoir avisé en librairie la moisson d’ouvrages vantant les bains de forêts et autres célébrations végétales. Ce n’est plus un phénomène d’édition, c’est une marée verte. Dans son livre L’intelligence des plantes (Albin Michel), le chercheur italien Stefano Mancuso insiste sur notre dépendance envers les végétaux, sans lesquels nous ne pourrions pas survivre au-delà de quelques mois.
De là découlent de nouvelles revendications, qui secouent un peu plus l’outrecuidant primate sur son piédestal. « Le droit de la nature à maintenir la vie sur terre est un préalable à celui de l’humanité si elle veut perdurer », écrit ainsi la juriste Valérie Cabanes (Homo natura, Buchet-Chastel). Pour que la nature voie ses intérêts – croître dans de bonnes conditions, être préservée – dûment protégés, il faut que des poursuites puissent être engagées, au nom des plantes, des cours d’eau, du ciel…
L’Equateur, la Bolivie ou le Mexique ont déjà inscrit les droits de la nature dans leur Constitution. En Inde du Nord, le Gange, les ruisseaux, lacs, forêts et vallées de l’Etat d’Uttarakhand sont reconnus comme des personnes. « La Haute Cour de l’Etat a expliqué dans sa décision que porter atteinte aux droits de ces écosystèmes serait dorénavant perçu comme un préjudice aussi grave que l’atteinte aux droits des personnes humaines, et serait donc jugé de manière équivalente », précise Valérie Cabanes.
Quand bien même l’anthropocentrisme serait en passe de devenir chez nous une maladie honteuse, un tel jugement fait tiquer. Il y a pourtant un peu de cette philosophie-là dans le mouvement antispéciste, lorsqu’il revendique des droits pour nos amies les bêtes « non-humaines ». Et, à bien y songer, cette exigence est encore de l’humanisme. Non plus tel que Jean-Paul Sartre l’entendait – « une théorie qui prend l’homme comme fin et comme valeur supérieure » – mais comme le concevait l’ethnologue Claude Lévi-Strauss : « Un humanisme bien ordonné (…) place le monde avant la vie, la vie avant l’homme, le respect des autres êtres avant l’amour-propre. »
Lire l’article complet ici : https://www.lexpress.fr/culture/espece-menacees-et-l-homme-dans-tout-ca_2018496.html
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