Tribune sélectionnée dans La Matinale du 29/03/2017, publiée dans le Monde du 30 mars .
Durant dix mille ans, nous avons prospéré en tant qu’espèce grâce à des conditions climatiques favorables et des milieux de vie fertiles et foisonnants de biodiversité. Mais l’industrie s’est dernièrement imposée sur les milieux naturels en occupant l’espace et en perturbant les équilibres de l’écosystème terrestre. Le climat s’est emballé, la biodiversité s’est effondrée, la pollution est omniprésente, et les conditions mêmes de la vie sur Terre commencent à être menacées. Nous ne pouvons plus rester spectateurs. Nos choix menacent aujourd’hui la paix et la sécurité humaines.
Il est encore temps de freiner les conséquences de l’anthropocène, cette ère géologique que l’homme a façonnée et qui menace les conditions d’existence des plus vulnérables d’entre nous et hypothèque les droits des générations à venir. La justice doit pouvoir s’appuyer sur un droit de la Terre pour être en mesure de maintenir les systèmes écologiques dont nous dépendons, car c’est ainsi que nous préserverons la dignité de l’humanité. Pour cela, il faut redéfinir les valeurs pivots de notre système juridique afin d’affirmer nos liens d’interdépendance avec les autres formes de vie.
Reconnaître le vivant comme sujet de droit est une idée portée par le mouvement Earth Law depuis les années 1990 dans le sillage de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (1981) et de la Charte mondiale de la nature (1982). Le mouvement s’est inspiré de la pensée d’Arne Næss, considéré comme le fondateur de l’écologie profonde (« Deep Ecology »). Il a notamment popularisé l’idée que « la richesse et la diversité des formes de vie sont des valeurs en elles-mêmes et contribuent à l’épanouissement de la vie humaine et non humaine sur Terre ».
La Déclaration des droits des peuples autochtones (2007) consacre ces valeurs en s’appuyant sur l’holisme des traditions et modes de pensée des peuples premiers. Ces peuples accompagnés de communautés locales ont par ailleurs proposé, lors de la Conférence mondiale des peuples sur le changement climatique et les droits de la Terre mère, à Cochabamba en avril 2010, un projet de Déclaration universelle des droits de la Terre mère faisant le constat que « la Terre est vivante, elle est notre maison commune et nous devons la respecter pour le bien de tous et des générations futures ».
Parallèlement, certaines avancées juridiques visant à améliorer le statut des animaux démontrent que le droit commence à quitter sa sphère anthropocentrée. La Nouvelle-Zélande, par exemple, a étendu le statut d’« être humain » aux grands singes dès 1999. En 2008, le Parlement espagnol a voté une résolution exhortant à respecter le « projet grands singes ».
Ce projet vise à étendre les droits fondamentaux de la personne humaine au-delà de notre espèce, pour en faire bénéficier les chimpanzés, les gorilles et les orangs-outans. Les dauphins se sont vu récemment attribuer le statut de « personne non-humaine » en Inde et tout delphinarium est interdit. Mais le mouvement Earth Law va plus loin et propose que soient reconnus dans la loi les droits des écosystèmes « à exister, se développer et évoluer ».
Beaucoup de pays reconnaissent le locus standi – intérêt à agir – pour les citoyens afin de régler des différends dans l’intérêt général, ce qui peut être utilisé pour parler au nom de la nature, d’autant plus si des droits lui sont reconnus en propre. Les perspectives sont encourageantes. C’est en Amérique latine que le concept des droits de la nature a vu le jour dans la loi. En 2008, l’Equateur a en effet ouvert la voie en reconnaissant ces droits dans sa Constitution.
En Nouvelle-Zélande, le 30 août 2012, la communauté indigène iwi [tribu] Whanganui et le gouvernement néo-zélandais ont signé un accord qui reconnaît les droits de la rivière Whanganui et la communauté iwi Whanganui comme son dépositaire selon l’adage de la communauté : « Je suis la rivière et la rivière est moi. » L’accord reconnaît la rivière comme une entité vivante avec des droits et des intérêts à défendre, et son « propriétaire » désigné est son propre lit. Les iwi Whanganui sont, eux, reconnus comme ses gardiens chargés de protéger la santé et le bien-être de la rivière. Cet accord a été entériné par le Parlement le 15 mars 2017 et fut présenté comme une première mondiale à l’échelle d’un pays occidentalisé.
Mais aux Etats-Unis, des comtés ont déjà adopté les droits de la nature dans leur législation, comme celui de Mora County, en 2013 au Nouveau-Mexique, qui a adopté un décret établissant une déclaration des droits communautaires – incluant le droit à un air pur et une eau potable, le droit à un environnement sain, et les droits de la nature – tout en prohibant les activités susceptibles d’interférer avec ces droits, incluant le forage et la fracturation hydraulique pour les gaz de schiste.
En Europe, la société civile demande de plus en plus que soient reconnus des droits aux écosystèmes et aux espèces non humaines. L’idée d’une initiative citoyenne européenne sur les droits de la nature a d’ailleurs été débattue au Parlement européen, le 29 mars 2017. En 2013, c’est une directive européenne sur le crime d’écocide qui avait été proposée par le mouvement End Ecocide.
Depuis, la perspective d’une telle reconnaissance à l’échelle européenne et universelle progresse rapidement. Sans crier gare, la protection des communs planétaires par la Constitution ou la reconnaissance du crime d’écocide se sont invitées lors de la campagne présidentielle en France dans les programmes de la gauche. Serait-on mûr pour une telle évolution culturelle ? Ce serait une bonne nouvelle pour notre maison commune.
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A quelques jours d’intervalle, trois fleuves viennent d’être dotés d’une personnalité juridique. En Nouvelle-Zélande tout d’abord, où le Parlement vient d’accorder à la rivière Whanganui les mêmes droits qu’une personne. Et en Inde, où la Haute Cour de l’Etat himalayen de l’Uttarakhand a décrété que le Gange et l’un de ses affluents, la Yamuna, seraient désormais considérés comme des « entités vivantes ayant le statut de personne morale » et les droits afférents.
Quels sont les enjeux, et les conséquences, de ces décisions pour la protection de l’environnement ? Les juges sont-ils en train d’inventer un nouveau droit, pour sauver la planète et les hommes ?
Décryptage dans TELERAMA (23 mars 2017)
Propos recueillis par Weronika Zarachowicz
Franceinfo répond à trois questions sur ce nouveau statut:
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Mon Entretien sur RFI ce dimanche 26 mars en annonce de ma conférence au Salon du Livre de Paris.
A écouter en ligne : http://www.rfi.fr/emission/20170326-nouveau-droit-terre-valerie-cabanes
Rivières polluées, forêts rasées, sols ravagés par des substances toxiques… hommes et animaux à travers le monde sont privés de leur espace vital. Détruire ainsi l’environnement est un crime et ça s’appelle écocide. Pourtant, aujourd’hui, les auteurs de ces destructions bénéficient d’une impunité quasi-totale. Dans mon livre Un nouveau droit pour la Terre – pour en finir avec l’écocide, paru aux éditions du Seuil, j’appelle à une métamorphose du droit international pour mieux protéger la planète Terre et ses habitants.
Audrey Chabal – Usbek & Rica 18/03
De plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer la reconnaissance par la Cour pénale internationale du crime d’écocide. L’enjeu : pouvoir juger les responsables de la destruction massive des écosystèmes. Mais derrière cette notion juridique à la définition encore floue, c’est rien de moins que la reconnaissance d’un droit des générations futures qui se dessine.
« Écocide », ça ressemble un peu à « génocide ». Normal, c’est fait exprès. Le terme, contraction du mot grec oikos (« maison ») et du verbe latin occidere (« tuer »), désigne le pouvoir de juger et condamner, à l’échelle internationale, les personnes, les États ou les entreprises qui tuent notre maison, autrement dit la planète Terre.
Lire la suite sur https://m.usbeketrica.com/article/l-ecocide-premier-pas-vers-un-droit-des-generations-futures
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The Missing Piece of the Puzzle
MARCH 29th European Parliament 13:00 – 15:00 : ECI Nature’s Rights launch
Book complimentary tickets here: https://
Oui si nous réapprenons à vivre en harmonie avec la nature
Interview sur la Radio RAJE en podcast : VALERIE CABANES, UNE JURISTE QUI LUTTE POUR NOTRE MAISON TERRE..
Valerie Cabanes, fondatrice d' »End Ecocide on Earth », lutte pour faire reconnaitre l’écocide en tant que crime contre la nature.
Pour Valérie Cabanes, l’écocide (le fait de détruire la « Maison Terre ») est désormais le crime premier, celui qui ruine les conditions mêmes d’habitabilité de la Terre. D’ores et déjà, les dérèglements en cours attisent injustices et tensions géopolitiques tandis que ceux qui saccagent la planète restent impunis. Face aux dérèglements climatiques, revendiquer de nouvelles formes de responsabilité et de solidarité, redéfinir un nouveau sens et de nouveaux cadres à l’action humaine au sein des limites planétaires sont devenus une priorité.
by admin with no comments yetRien n’est plus puissant qu’une idée dont le temps est venu !!! (Victor Hugo)
La Nouvelle-Zélande dote un fleuve d’une personnalité juridique
Le Parlement a accordé au Whanganui le statut d’entité vivante. Les droits et les intérêts du cours d’eau pourront être défendus devant la justice.
Mon analyse dans LE MONDE du| 20.03.2017: http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/03/20/la-nouvelle-zelande-dote-un-fleuve-d-une-personnalite-juridique_5097268_3244.html
(extrait) » Cette législation a été présentée par le gouvernement comme une première mondiale, mais pour la juriste internationale Valérie Cabanes, auteure d’Un nouveau droit pour la Terre (Seuil, 2016), il existe des précédents. « La reconnaissance des droits de la nature est en pleine évolution dans le monde », dit-elle, en évoquant des exemples en Equateur et en Bolivie, mais aussi des comtés aux Etats-Unis ou la ville de Mexico, qui ont inscrit les droits de la nature dans des législations locales.
La croyance des peuples premiers, qui ne font pas de distinction entre humanité et nature, est à l’origine de cette affirmation des droits de la nature. Mais « de plus en plus d’Occidentaux s’engagent dans cette démarche », selon Valérie Cabanes, qui met en avant « la crise climatique et environnementale » pour expliquer cette évolution : « Depuis le judéo-christianisme et la suprématie de l’Occident sur le monde, l’homme s’est positionné comme dominant. Mais ce n’est qu’une vision du monde, qui est manifestement arrivée à ses limites. »
5 jours plus tard, L’Inde reconnait le Gange et la Yamuna comme des entités vivantes, elles aussi.
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DES FEMMES, DE LA NATURE ET DE LEURS LIENS. Soeurs en écologie explore comment ces liens ont contribué à la dévalorisation des unes comme de l’autre. Comment aujourd’hui ce lien puissant peut réenchanter le monde. Comment il vivifie la pensée écologiste et permet de repenser la pensée féministe.
UNE GALERIE DE PORTRAITS dont le mien. Soeurs en écologie redonne leur place à des femmes qui ont été essentielles, des pionnières, des sorcières, des justicières de la terre d’hier et d’aujourd’hui.
UNE SORORITÉ. Ce livre permet aux femmes de sentir cette lignée dans laquelle elles s’inscrivent, ce qui les relient, une sororité.
Sœurs en écologie est le livre de Pascale d’Erm, une journaliste et auteure de nombreux ouvrages sur les questions de nature et d’environnement. C’est le livre synthèse de ses rencontres, de ses reportages et de ses questions personnelles.
Livre en librairie le 3 avril. Dores et déja en vente sur www.lamersalee.com (circuit court direct lecteur-éditeur)
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